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nue propriété et le bail héréditaire, on réalise une plus forte somme que si l’on vend en bloc la pleine propriété. C’est ainsi que des polders endigués depuis une vingtaine d’années, seulement sont soumis au beklem-regt.

Quiconque a réfléchi aux inconvéniens du bail à ferme ordinaire comprendra sans peine les avantages du contrat adopté en Groningue. Un juge compétent en cette matière, M. Hippolyte Passy, a dit avec raison : «Il n’est de modes de location très favorables, aux progrès de la production que ceux qui, par des stipulations bien entendues, créent aux cultivateurs un intérêt continu à ne rien négliger pour féconder de plus en plus le présent et l’avenir. » Or le beklem-regt répond parfaitement à ce programme. Le tenancier peut entreprendre les plus coûteuses améliorations; il est sûr d’en recueillir tout le profit, et il n’est pas menacé, comme le locataire ordinaire, d’avoir à payer un fermage d’autant plus élevé qu’il a plus contribué à augmenter la fertilité du bien qu’il occupe. La récompense légitime du travail est le produit qu’il fait naître, et l’homme travaille d’autant mieux qu’il est plus certain de. jouir des fruits de ses, efforts. Le beklem-regt, assurant aux cultivateurs la pleine jouissance de toute augmentation du produit, est donc le plus énergique des stimulans : il encourage l’esprit de perfectionnement, que le bail à court terme met à l’amende.

Comme une propriété soumise au bail héréditaire ne peut être divisée sans le consentement du propriétaire, ce contrat est un obstacle naturel au morcellement des terres. Il empêche le dépècement inopportun des propriétés, suite de l’égalité des partages, et pourtant il ne rend pas impossible, comme le majorat, une division qu’une bonne économie conseille, car, si la division amène un avantage réel, il suffit d’en faire profiter aussi le propriétaire pour qu’il y consente.

Ceux qui, frappés des prévisions de Malthus, craignent l’accroissement excessif de la population doivent être partisans du beklem-regt, car ce système y oppose une entrave efficace. Le nombre des fermes est limité, et, comme les fils des cultivateurs sont habitués à une grande aisance, ils ne songent pas à se marier d’abord, sauf à faire ensuite hausser le prix des terres par une concurrence inconsidérée qui pousse au morcellement. Ayant de l’instruction, ils se font une carrière ou émigrent, et quand ils prennent femme, c’est qu’ils ont trouvé de quoi la nourrir, elle et les enfans qu’elle peut leur donner. Ainsi le beklem-regt, tout en favorisant la production de la richesse, tend à limiter le nombre de ceux qui ont à se la partager, et il accroît le bien-être des populations par une double action.