Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/287

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une longue expérience, à régler avec plus de sécurité les opérations dangereuses du départ et de l’arrivée. Ne serait-on pas tenté de croire, après tant d’années où les ballons ont joui de la faveur publique, qu’ils ne peuvent servir à rien et qu’on n’en doit rien attendre? A ne considérer pourtant que le côté scientifique de la question, la météorologie aurait beaucoup à profiter des expériences que l’aéronaute le moins instruit peut faire au moyen des instrumens les plus simples, le baromètre et le thermomètre. C’est à peine si l’on a pris soin d’étudier en certaines occasions la trajectoire, c’est-à-dire la courbe que décrit un aérostat depuis le point de départ jusqu’au moment où il redescend sur le sol. Il y a quelques années, des officiers du génie et de l’artillerie firent à Metz des observations de ce genre. Ils s’étaient placés en diverses stations sur la route que, d’après le vent régnant, le ballon était supposé devoir suivre, et ils purent en étudier la marche dans les airs de même que l’astronome étudie les mouvemens d’une planète. À ce point de vue, l’aérostation pourrait rendre d’utiles services pour les levées topographiques du terrain.

En juin et juillet 1850, MM. Barral et Bixio firent deux ascensions dont le but était principalement scientifique. Il s’agissait de monter aussi haut que possible pour étudier avec des instrumens perfectionnés une multitude de phénomènes encore assez mal connus, puis de déterminer suivant quelle loi la température s’abaisse à mesure que l’on s’élève, d’observer la décroissance de l’humidité de l’air, de décider si la composition chimique de l’atmosphère est la même à toutes les altitudes, si la proportion d’acide carbonique varie, de comparer les effets calorifiques des rayons solaires avec ces mêmes effets produits à la surface de la terre. Ces questions n’ont pas un intérêt purement théorique. Les renseignemens recueillis dans les hautes régions de l’air peuvent avoir une influence considérable sur les observations astronomiques et en particulier sur le calcul des réfractions, qui intéresse à la fois les astronomes et les marins. En dépit du froid et de l’état peu favorable de l’atmosphère, malgré d’autres accidens survenus, les résultats de ces deux ascensions ne furent pas sans intérêt. Le ballon traversa un nuage composé d’aiguilles de glace qui se maintiennent en l’air, contrairement aux lois apparentes de la pesanteur : c’est là un des faits les plus curieux constatés par la météorologie moderne. Les voyageurs virent briller au-dessous de leur horizon une image réfléchie du soleil qui était formée par la réflexion des rayons lumineux sur les faces horizontales de ces cristaux de glace flottant dans une atmosphère brumeuse. Ils remarquèrent aussi un prodigieux abaissement de la température dans les régions élevées. Gay-Lussac,