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possible de réunir des chefs d’état et des hommes politiques, pour les amener à conclure sur leurs intérêts les plus positifs des transactions solennelles et décisives, en se bornant à les prier de venir sans parti-pris et sans système préconçu. On ne peut pas sérieusement fonder un tel accord sur la garantie anticipée d’une abdication universelle. Quand on adresse des invitations de cette sorte, on est tenu de faire connaître d’avance à ses hôtes le menu du repas qu’on entend leur offrir. La lettre d’invitation au congrès que le Moniteur a fait connaître ne peut manquer d’être accompagnée ou suivie d’un programme des questions qui seront soumises au congrès. Que le principe du congrès soit admis par courtoisie dans les diverses cours et les divers états de l’Europe, nous le voulons bien ; mais on ne se décidera réellement à venir que sur la présentation ou la fixation plus ou moins concertée d’un programme. Comment demanderait-on à des personnages sérieux de travailler à l’établissement de l’ordre futur de l’Europe dans la confusion d’une Babel ? Le programme des questions n’est pas tout, il y a aussi à régler la forme et la sanction des décisions. Les questions seront-elles décidées par des votes ? Qui votera ? comment votera-t-on ? Sous quel mode de groupement numérique des votes placera-t-on la sanction des délibérations ? Il faut s’être entendu d’avance sur tout cela, car enfin la politesse internationale exclut les surprises.

Les questions qui devront former le programme du congrès ne sont un mystère pour personne : il suffit de les énumérer pour avoir une médiocre confiance, nous ne disons pas seulement dans l’efficacité, mais dans la réunion même du congrès. Les trois questions proéminentes du moment qui peuvent donner lieu à une révision des traités de 1815 sont les suivantes : la question italienne, la question allemande, la question polonaise. Dans la question italienne, il y a en présence l’intérêt italien contre l’intérêt autrichien, l’intérêt italien contre l’intérêt de la cour de Rome. Nous croyons que dans de vastes combinaisons européennes l’Autriche ne se refuserait point à entrer en discussion sur l’intérêt que représente pour elle, dans l’état de la péninsule, la possession de la Vénétie. Tout ce que l’on sait de la cour de Vienne porte à penser qu’elle n’admettrait point le débat sur la situation du pape. La cour de Rome serait-elle plus désintéressée dans sa propre cause que l’Autriche ne veut l’être pour elle ? Se montrerait-elle moins papiste que l’Autriche ? Personne n’a le droit de le supposer. Le pape ne soumettra point le règlement de ce qu’il appelle ses droits à une assemblée de souverains dont la majorité serait composée ou balancée par des hérétiques et des schismatiques ; il n’abandonnera ce qu’il considère comme un droit et un devoir à un arbitrage d’aucune sorte. La réunion d’un congrès n’autoriserait donc pas l’espoir d’une solution quelconque de la question italienne. Sur ce point, l’empereur a déjà fait une expérience assez concluante. Il était question d’un congrès après la guerre d’Italie comme il en avait été question avant. Ce congrès allait se réunir ; le pape allait s’y faire