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représenter par le cardinal Antonelli : le pape se retira, et le congrès n’eut pas lieu sur une simple lettre de l’empereur demandant au pape d’accepter comme un fait accompli la perte de la Romagne. Passons à l’Allemagne ; la leçon de l’expérience est ici plus récente encore : elle date de quelques mois à peine. L’affaire de la reconstitution de la confédération germanique est une affaire essentiellement intérieure pour l’Allemagne : nous aurions des précautions à prendre, si l’équilibre germanique était troublé par quelque combinaison arbitraire et violente ; mais la France mentirait à tous ses principes, si elle entendait faire obstacle au développement naturel des peuples allemands cherchant pour leur vie nationale une organisation plus rationnelle et meilleure. Qu’est-il arrivé l’été dernier ? L’empereur d’Autriche, par un acte d’initiative qui semble avoir servi de prélude et d’exemple à l’évocation de congrès européen dont nous sommes témoins, a essayé de se mettre à la tête du mouvement unitaire allemand. Il a fait le congrès de Francfort. Les princes allemands, attirés vers lui par leurs sentimens de confédérés, par les habitudes d’une longue intimité politique, ou par ce dernier rayon de l’ancien saint-empire qui ne s’est point tout à fait éteint sur la couronne d’Autriche, répondent avec empressement à l’invitation de François-Joseph. On se réunit avec éclat, on discute avec entrain, l’Allemagne a son jour de fête ; mais quoique la France n’ait fait que froncer le sourcil, quoique le roi de Prusse ait seul refusé de se joindre à ses confédérés, l’œuvre avorte dans ses propres difficultés, et personne ne sait plus où en est aujourd’hui le projet de réforme fédérale. Nous le demandons : y a-t-il des chances que la question allemande se puisse mieux régler à Paris qu’à Francfort ? N’est-il pas au moins présomptueux d’imaginer que le congrès projeté réussira à concilier les prétentions rivales de la Prusse et de l’Autriche, et fera mieux que les Allemands ne la savent faire eux-mêmes l’œuvre si difficile et si complexe de la réforme du pacte fédéral ? Reste la question polonaise ; sur ce point, l’enseignement est d’hier. Les trois premières puissances de l’Europe viennent de consumer sans résultats huit grands mois à exprimer les mêmes opinions en faveur de la Pologne et à faire entendre d’identiques remontrances à la Russie. Elles n’ont réussi à rien. L’idée du congrès est un expédient né de leur énorme échec. Nous le demandons cette fois encore, si la France, l’Angleterre et l’Autriche, appliquées à la même question, ne sont point parvenues, en huit mois, à nouer une action commune, le concert sera-t-il plus facile à établir entre elles au sein d’un congrès universel, lorsqu’à côté de la question qui les unissait au moins moralement éclateront toutes les questions diverses qui peuvent les diviser, lorsqu’au lieu de n’avoir à s’entendre qu’entre elles trois, elles auront à parler à droite et à gauche aux états grands ou petits qui s’agiteront et bourdonneront autour d’elles, lorsqu’au lieu d’avoir en leur présence la Russie isolée, sommée de rendre compte de sa conduite en Pologne, elles se trouveront en présence de la Russie, qui pourra leur dire en face qu’elle