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à l’appréciation de ses actes ou de ses promesses, avoir sur lui un droit d’examen, de contrôle et de jugement, c’est là aussi la jouissance réservée à tous les citoyens. Le suffrage universel tel qu’il s’exerce en France, malgré ses imperfections, peut ainsi servir à rapprocher toutes les conditions. S’il donne sans contre-poids le plein pouvoir à la foule, au moins il ne met personne à l’écart, et il intéresse chacun à se servir du concours de tous.

Les garanties nécessaires à l’exercice du droit des électeurs sont soigneusement déterminées par la législation; elles donnent des armes de défense à quiconque sait s’en servir, et elles doivent assurer la sincérité ainsi que la liberté du vote. Il n’est pas inutile de s’en rendre sommairement un compte exact. La formation des listes électorales ne laisse accès à l’usage d’aucun pouvoir arbitraire : elles comprennent dans chaque commune tout citoyen âgé de vingt et un ans et jouissant de ses droits civils, qui a dans la commune une résidence de six mois, et elles donnent dès lors à la France environ 10 millions d’électeurs. Elles sont publiques et doivent être communiquées à quiconque les réclame ; elles sont révisées chaque année du 1er au 10 janvier, et comportent pendant dix jours toutes les réclamations des intéressés, qui sont jugées en premier ressort avant le 31 mars par une commission municipale, et en appel par le juge de paix du canton, sans préjudice du pourvoi devant la cour de cassation. Les électeurs sont répartis tous les cinq ans, par un décret impérial, en circonscriptions de 35,000 votans. Ils sont appelés tous les six ans à élire un député, et doivent être convoqués vingt jours au moins avant l’élection. Sauf la restriction résultant du sénatus-consulte qui a exigé le serment préalable des candidats, les électeurs ont le droit le plus étendu pour les choisir; ils peuvent les prendre indistinctement parmi les électeurs âgés de vingt-cinq ans, sans qu’aucune condition, même celle de domicile, soit exigée. La condition de nationalité vient même d’être rendue singulièrement accessible. Les causes qui suspendent l’exercice du droit d’élire, c’est-à-dire l’état de détention, de contumace ou de séjour dans une maison d’aliénés, l’exclusion qui ne permettait pas auparavant d’être éligible à quiconque était pourvu d’un conseil judiciaire, n’empêchent pas aujourd’hui d’être élu député au corps législatif. Les fonctionnaires publics ne sont pas davantage rendus inéligibles; toutefois, en cas d’élection, ils ne peuvent conserver leurs fonctions : le législateur semble avoir craint que leur indépendance ne fût suspectée; mais il n’a pas étendu, au moins expressément, la même défiance à ceux qui peuvent paraître le plus dépendans, aux personnes attachées au service du souverain. Quant aux fonctionnaires qui, tels que les préfets, ne peuvent être élus, par crainte d’abus de pouvoir, dans le ressort où ils exercent leur autorité, ils n’ont