Que faire? Comment sortir d’un pareil embarras? Il fallait lui promettre que j’irais, demain, la trouver à Paris.
Insensé! c’était lui accorder plus qu’elle ne demandait; c’était tout perdre en un instant. Voyant sa résistance, j’ai changé de dessein : moyennant un secret absolu sur vos anciennes relations, je lui ai accordé de te voir, non en cachette, mais en présence de ta femme et des tiens.
Quelle imprudence! nous exposer ainsi au danger d’une reconnaissance devant témoins !
Entre plusieurs dangers, j’ai opté pour le moindre.
Redouter à ce point l’influence d’une habitude rompue depuis deux ans!
Mes craintes sont injustes? As-tu donc oublié avec combien de peine j’ai réussi à te faire accepter le testament du comte Herman? Les conditions en étaient parfaitement honorables; cependant ton orgueil se révoltait. Tu ne voulais pas, disais-tu, vendre ton nom et ta liberté.
Quoi de plus naturel? Je trouvais dur de renoncer à l’entraînement d’une vie de plaisirs, de quitter un monde dont j’étais le favori, de me condamner moi-même à l’exil.
Tu ne me donnes là que des motifs secondaires de tes refus. La chaîne la plus forte était ta liaison avec Pompéa. Entre vous, ce n’était pas l’amour, et c’était cependant autre chose que la seule volupté. Tout déchus que vous étiez, vous restiez encore fiers l’un de l’autre. Au plus fort de vos désordres, elle te conservait un attachement d’esclave, et cette esclave était une artiste de génie! Aussi je te vois encore, pâle, les yeux en larmes, me suppliant de t’accorder avec elle une dernière entrevue.
Je ne le nie pas, mon cœur saignait quand je l’ai quittée. Pendant les premiers temps de mon séjour à l’étranger, je tombai dans le découragement; mais j’ai tenu fidèlement ma promesse. A présent, je suis mari et père; au lieu d’un an, j’ai vécu deux ans en Allemagne, et ce n’est que sur les instances d’Isabelle et d’Emma, sur vos propres exhortations, que j’ai consenti à revenir en France.
Évidemment je ne pouvais pas te laisser mourir à Dusseldorf. A ta rentrée dans le monde, le comte Herman ne cachera à personne l’ancien duc Pompée. N’attache donc aucune valeur à ce changement de nom : ce qu’il te faut, c’est d’être réellement un homme nouveau, c’est de traverser sans défaillance cette crise suprême. Courage! l’épreuve va commencer.
Mais dans quelles conditions! Avez-vous réfléchi à ce qui pourrait arriver