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pas consacré par ses œuvres ce mode de construction sans signification précise, cette sorte de fastueux caprice.

Bien qu’assez enclin, on le sait, à faire prévaloir l’élément grandiose en toute occasion et à tout prix, l’art romain lui-même s’est préservé sur ce point de l’ostentation et de l’excès. Il lui est arrivé parfois de couronner d’une coupole une rotonde comme le Panthéon d’Agrippa, déduisant ainsi la forme de la toiture de la forme figurée par les murs de l’édifice : il n’a pas commis cette faute, ou tout au moins ce pléonasme architectural, dont devait s’accommoder l’art moderne, d’élever un second monument sur le premier, et, celui-ci une fois enraciné dans le sol, de le recommencer en l’air, pour ainsi dire sur la croisée des lignes du comble.

Enfin, malgré les exemples donnés par les architectes byzantins de Sainte-Sophie à Constantinople et de Saint-Vital à Ravenne, — exemples renouvelés au IXe et au Xe siècle à Aix-la-Chapelle et à Venise, — la coupole, pendant tout le moyen âge, demeure à peu près hors d’emploi. On pourrait relever çà et là les témoignages de quelques efforts pour continuer à cet égard la tradition byzantine ; mais en général l’architecture gothique cherche et trouve ses inspirations ailleurs. Les édifices qu’elle construit, au lieu d’être, comme les monumens grecs, assis sur des horizontales, se dressent en perpendiculaires, et ce mouvement d’ascension, si vivement exprimé par de minces colonnes jaillissant du sol jusqu’aux voûtes, n’a rien de commun avec la souplesse un peu laborieuse, avec l’élan, sans point de départ fixé et sans but, des lignes d’un dôme. Pour remettre en honneur ou plutôt pour introduire les courbes dans l’architecture comme élément de décoration principal, il faut la science hardie de Brunelleschi au XVe siècle et dans le siècle suivant le génie de Michel-Ange. Le dôme de Sainte-Marie-des-Fleurs à Florence et le dôme de Saint-Pierre à Rome sont, à vrai dire, les premiers termes de cette révolution ou de ce progrès. Ils constituent deux types dont les formes, diversement imitées à partir de la renaissance, se reproduiront à tout propos et deviendront, particulièrement en France, l’ornement presque obligé des églises et des palais. Depuis Philibert Delorme jusqu’à Lemercier, Levau et Mansart, et depuis ceux-ci jusqu’à Soufflot, les architectes qui se succèdent dans notre pays adoptent à cet égard et se transmettent un programme dont l’exécution ne varie guère qu’en proportion des talens personnels. Qu’il s’agisse de bâtir les Tuileries ou de travailler à l’achèvement du Louvre, de donner des plans pour la Sorbonne ou pour le château de Vaux, pour le Val-de-Grâce ou pour l’église de Sainte-Geneviève, un dôme devra inévitablement s’élever au centre de chaque édifice et annoncer au regard, non pas la destination particulière de celui-ci, mais la volonté qu’on aura eue de