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le faire somptueux avant tout, en se conformant, quant aux moyens, à la règle commune.

Nous n’avons pas à examiner ici, au point de vue de l’architecture, les mérites ou les défauts des nombreux spécimens en ce genre que nous ont légués les trois derniers siècles. Le mode de construction étant admis et la majesté qui peut en résulter pour l’effet extérieur une fois constatée, reste à savoir quelles ressources ces formes hémisphériques offrent au dedans à l’ornementation, de quels procédés il conviendra de faire usage pour que la magnificence des détails n’appesantisse ni ne fausse le caractère des lignes générales ; reste à savoir enfin comment l’œuvre du décorateur réussira à compléter ici l’œuvre de l’architecte et dans quelle mesure il sera permis à un art auxiliaire d’agir en vertu de ses inspirations propres et de sa fantaisie.

Il semble que la surface intérieure d’un dôme soit un champ naturellement promis au pinceau. Ces vastes murs, cintrés à l’imitation de la voûte du ciel, appellent des teintes sereines qui en allégeront le poids et en peupleront harmonieusement l’étendue, bien plutôt qu’elles n’autorisent l’emploi d’ornemens sculptés dont la multiplicité même et le relief surchargeraient l’aspect de l’ensemble et en diviseraient l’unité. Toutefois, entre ces deux partis à prendre, on a le plus souvent opté pour le second. Des séries de compartimens renouvelés de ceux qui dans le Panthéon, à Rome, rompent continuellement la belle courbe du cintre, des caissons quadrangulaires dont les renfoncemens profonds ajoutent par le contraste à la saillie, déjà inutile, des rosaces qu’ils encadrent, — voilà les ornemens traditionnels au moyen desquels on n’est guère arrivé qu’à démentir l’idée qu’il s’agissait de faire prévaloir, et à convertir une châsse aérienne, pour ainsi dire, en un épais couvercle emprisonnant le regard qui s’y heurte, comme il arrête et refoule la pensée. Le premier, parmi les artistes italiens, le Corrège entreprit, en pareil cas, de les affranchir absolument l’une et l’autre. En décorant de fresques la coupole de San-Giovanni à Parme, et un peu plus tard celle de la cathédrale, son pinceau pratiquait à travers les murs une immense ouverture sur le ciel et supprimait ainsi en apparence le champ même ou il s’exerçait. Plus audacieux encore que Michel-Ange, qui, en peignant le plafond de la chapelle Sixtine, n’avait figuré sur cette surface solide que des percemens symétriques, encadrés dans des ornemens d’architecture simulés, le Corrège ne craignait pas d’anéantir jusqu’à l’architecture réelle : il la remplaçait par le vide et suspendait, au sein de cet espace sans limites, des groupes aux lignes irrégulières, multipliées à l’infini et s’enroulant les unes dans les autres, conformément aux lois les plus difficiles de la perspective verticale.