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laissé séduire par cet étalage du « grand style, » le bon sens national et les doctrines maintenues par les portraitistes n’avaient pas tardé à avoir raison d’un engouement parfaitement contraire en réalité aux instincts de ceux-là mêmes qui l’affichaient. Lorsqu’on examine les œuvres qui résument le mieux les inclinations et les habitudes de l’art français à cette époque, — depuis les portraits peints anonymes jusqu’aux crayons de Dumonstier, jusqu’aux estampes de Léonard Gaultier et de Thomas de Leu, — on comprend quelle force de résistance secrète notre école était en mesure d’opposer aux envahissemens de l’art étranger. On voit du moins que, lorsqu’il lui arrivait d’accepter les exemples d’autrui, elle se les assimilait avec autant de prudence que de sagacité, et dans les cas seulement où ces exemples pouvaient aider au développement de ses propres aptitudes : témoin le profit qu’elle tire en ce sens des importations de l’art des Pays-Bas, vers la fin du règne de Henri IV, et l’habileté avec laquelle nos dessinateurs et nos graveurs en particulier interprètent dans leurs ouvrages la méthode des Porbus et des Wierix. Dira-t-on qu’il ne s’agit ici que de travaux et de maîtres secondaires, qu’à l’heure où ils s’inspiraient en aussi modeste lieu, les artistes français ignoraient encore les grands modèles et les enseignemens souverains ? Les choses ne changèrent pas pourtant, même après la venue de Rubens à Paris, même après l’achèvement de la Galerie de Médicis. On admira les éclatans tableaux du maître d’Anvers sans songer le moins du monde à les contrefaire, sans être ébranlé dans cette foi traditionnelle qui avait survécu au schisme suscité par les disciples du Rosso et du Primatice, aussi bien qu’à la prétendue réforme plus récemment tentée par Fréminet. On crut, comme par le passé, au bon droit de la peinture nationale, à ses ressources naturelles, à la légitimité de ses conditions ; tout en s’inclinant devant les maîtres nés au-delà des Alpes ou sur les bords de l’Escaut, on attendit avec confiance le jour prochain où notre pays trouverait parmi ses enfans des rivaux à leur opposer, et dans le grand Poussin un exemplaire achevé du génie même de l’art français.

Cependant l’usage de confier les tâches les plus importantes à des peintres étrangers était trop bien consacré en France depuis le XVIe siècle pour que les protecteurs officiels des beaux-arts osassent encore s’affranchir de la tradition. Aussi, lorsque la reine Marie de Médicis eut bâti dans la rue de Vaugirard l’église qu’elle destinait aux carmes déchaussés, s’adressa-t-elle, pour la décoration de ce monument, à un artiste des Pays-Bas, comme elle l’avait fait déjà pour la décoration de son propre palais. Bertholet Flemael, de Liège, reçut la mission d’orner la coupole de la nouvelle église, et d’initier ainsi les Parisiens à un genre de peinture que leurs regards