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UNE
HISTOIRE FLORENTINE
DE GEORGE ELIOT

Romola, by George Eliot ; 3 vol. London, Smith, Elder and C°, 1863.

Nous sommes à Florence, au printemps de l’année 1492, et, pour mieux préciser, le 9 avril, c’est-à-dire le jour même où le magnifique Lorenzo de Medici vient de rendre l’âme. Grande agitation par la ville. Les uns déplorent la mort de l’illustre citoyen, les autres se félicitent de voir avorter dans son germe la tyrannie future. Si nous nous mêlions aux groupes rassemblés sur la Piazza del Mercato Vecchio, parmi les marchands de macaroni et les contadine, qui sont accourues plus nombreuses en ce temps de carême, favorable au débit du lait et des œufs, nous entendrions discourir en sens divers ces orateurs de carrefour, revenus d’instinct, dès la première aube de liberté, aux habitudes républicaines. Chacun à sa manière interprète les phénomènes étranges qui ont signalé la mort de Lorenzo. La lanterne du Duomo, frappée du glaive de saint Michel, est tombée à terre. Dans Santa-Maria-Novella, un taureau énorme a menacé l’église de ses cornes enflammées ; des lions de pierre, emblèmes de la république, ont fait mine de vouloir s’entre-dévorer. Telles sont les nouvelles dont se repaît en cette matinée l’inconstante curiosité, le bavardage athénien des popolani de Florence.

Au milieu d’eux circule, quelque peu ébahi, un beau jeune homme que l’aurore vient de trouver endormi sous le porche de la loggia