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fort bien à la Bactriane, surtout à ses parties montagneuses. Le peuple aryen paraît n’avoir connu que trois saisons, comme si l’hiver eût suivi immédiatement l’été : les noms de l’automne diffèrent partout. L’hiver, à en juger par le nom qu’il porte, est désigné comme saison de la neige ou saison blanche. Le nom primitif du printemps en fait la saison qui revêt la terre de son manteau de verdure. Encore aujourd’hui, en plusieurs endroits des Indes, d’Allemagne, de Suisse, de France et d’Angleterre, la venue du printemps est représentée symboliquement par un jeune garçon tout couvert de feuillage. L’été, moins uniformément caractérisé, fut surtout considéré comme saison calme et douce, ce qui indique bien un peuple pasteur plutôt qu’un peuple laboureur.

La topographie de la Bactriane nous explique encore pourquoi, en remontant le cours des langues, on trouve une analogie surprenante entre les mots qui désignent le désert et ceux qui désignent la mer. La seule mer que les Aryas aient pu connaître est la Caspienne. Elle est séparée de la Bactriane par un désert complètement afidé, creusé par les vents d’ouest en sillons ondulés et s’abaissant par une dépression presque insensible jusqu’au rivage, avec lequel il se confond de telle sorte que, pour le voyageur arrivant de l’est, la mer, jusqu’à ce qu’il en soit tout près, n’est que le prolongement du désert. Il faut ajouter que pour un peuple encore borné, comme on peut le conclure d’autres indices, aux tout premiers rudimens de la navigation, la mer, comme le désert, représente la désolation, la stérilité, la mort. Très souvent aussi, et pour la même raison, les mots signifiant l’ouest s’associent à ceux qui signifient désert. Les noms de la montagne et du fleuve nous font admettre également que les premiers Aryas habitaient un pays montagneux et par conséquent abondamment arrosé. Dans le même, ordre de recherches, on a trouvé la preuve étymologique d’un fait facilement explicable et que laissaient supposer d’autres données empruntées à la mythologie comparée, c’est-à-dire que les premières enclumes consistaient en grosses pierres, et qu’on regardait la foudre comme une pierre tombant du ciel pour s’enfoncer dans le sol. M. Pictet rappelle à ce propos le phénomène des fulminites ou tubes vitreux que le feu du ciel produit parfois dans les sables. Quant aux noms des fleuves, il paraît que, dans leurs migrations à travers l’Europe, les peuples aryens appelèrent tout simplement « le fleuve » le cours d’eau près duquel ils s’établissaient. Les noms du Rhin, de l’Arno, de l’Orne, de l’Arnon, etc., ne sont pas autre chose qu’un nom celtique signifiant le fleuve et exprimant une chose qui se meut, qui marche. Voilà une étymologie qui a dû paraître bien pénible au patriotisme germanique. Le Sindhu, en zend Hendu, d’où