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les Grecs ont tiré l’Indus, ne signifie pas autre chose. D’autres fois en revanche l’on peut retrouver dans l’étymologie des noms de fleuves le caractère particulier qui les distinguait. La Tamise, c’est la rivière à l’eau sombre ; la Durance est la rivière au cours impétueux ; le Rhône, le fleuve qui coule avec force, etc.

Si l’on interroge les langues aryennes sur le degré de civilisation qu’avaient pu atteindre nos ancêtres avant de quitter l’Asie centrale, on n’arrive sans doute qu’à des résultats assez vagues, et pourtant assez précis encore pour pouvoir affirmer qu’ils en partirent ayant acquis déjà un développement qui, sans être tout à fait la civilisation, les élevait bien au-dessus de l’état sauvage. Ainsi il est indubitable qu’ils ont connu l’usage des métaux, en particulier de l’or, de l’argent, de l’étain, du cuivre, et probablement du fer, bien que rien ne permette de soupçonner qu’ils aient su faire de l’acier. Ceci encore nous ramène en Bactriane, car nous savons que les montagnes de l’Hindou-Khô abondent en métaux de toute espèce. Les études étymologiques ont donc confirmé les suppositions de la paléontologie, qui incliné à voir dans les hommes inconnus de l’âge dit de pierre une autre race que celle qui a laissé dans ses instrumens et ses armes de métal la trace d’un développement supérieur. Il est vrai que l’usage des métaux ne constitue pas à lui seul un indice suffisant de civilisation réelle, car il y a des tribus nègres, à l’est de l’Afrique, où le fer est travaillé avec une dextérité remarquable malgré la nature très défectueuse des procédés mis en œuvre, et d’où il se répand chez les peuplades de l’intérieur : cependant ces tribus sont encore plongées dans un état de barbarie épouvantable ; mais si l’usage des métaux n’implique pas nécessairement la civilisation, celle-ci ne saurait s’en passer.

La comparaison des noms de plantes fournit peu de données positives. Je crains même qu’ici M. Pictet, malgré sa prudence habituelle, ne se soit laissé quelquefois entraîner à des conclusions un peu hâtives. D’avance on peut dire que dans les longues migrations des peuples aryens, des noms génériques d’arbres et de fruits ont pu se spécialiser, ou réciproquement des noms spéciaux se généraliser. C’est ainsi par exemple que notre mot pomme, qui désigne un fruit, désignait le fruit en général chez les Latins. Ce qui est incontestable, c’est que les Aryas ont connu la vigne et le vin, et il est intéressant de retrouver dans le mot sanscrit rasin (succulent) notre mot raisin, qui nous vient du latin racemus. Le sens étymologique du mot vin, qui est extrêmement répandu, en fait la liqueur « aimée. » Un autre fait assez curieux et hors de doute, c’est que le même nom a été donné séparément au seigle et au riz dans les deux grandes directions déterminées par la séparation fondamentale