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fort bien : la souris, dont le nom sanscrit, très répandu dans les langues européennes, signifie la voleuse, et la puce (celle qui se multiplie beaucoup).

En matière de faune sauvage, l’étymologie comparée nous donne lieu de penser que les premières migrations aryennes ont encore trouvé le lion en Europe, supposition confirmée par plus d’un mythe grec. Quant au tigre, qui s’avance jusque dans les déserts touraniens, mais qu’on n’a jamais vu dans les temps historiques à l’ouest de la Caspienne, il est probable que les Européens l’ont oublié. C’est par la Grèce qu’ils ont reçu plus tard le mot de tigris, désignant à la fois l’animal et le fleuve du même nom, et, d’après la racine sanscrite, exprimant l’idée de rapidité. Au contraire ils ont rencontré le castor encore établi sur nos fleuves. L’ours, le loup, le renard, ont des noms qui remontent jusqu’à l’Aryane primitive. Le corbeau porte encore en plusieurs langues son nom sanscrit, qui signifie quel cri ! Le hoche-queue ou bergeronnette, ce petit oiseau que nous appelons ainsi, soit à cause des mouvemens vibratoires de son plumage, soit à cause de l’habitude qu’il a de suivre les troupeaux, a eu dès l’origine des noms faisant allusion à ses mœurs caractéristiques. On trouve en sanscrit le nom de « batteur d’ailes, » en armoricain celui de « la petite blanchisseuse » (quelquefois en France on dit « la lavandière »), parce que cet oiseau aime à se tenir au bord des ruisseaux, et comme il suit aussi le laboureur pour piquer les vers qui sortent des sillons fraîchement creusés, le Scandinave le nomme la travailleuse, et le suédois la semeuse. Il est à remarquer enfin que le nom aryen de l’araignée est la tisseuse, et comme l’art de tisser a été certainement connu avant la dispersion, il n’y aurait rien d’inadmissible dans la supposition que c’est la vue de l’araignée au travail qui a suggéré à l’homme cet art si utile.

Les mêmes procédés nous permettent de nous faire quelque idée du genre de vie des Aryas avant leurs migrations. Il en résulte que certainement la vie errante du sauvage chasseur avait pris fin depuis longtemps pour eux quand ils cherchèrent de nouveaux climats, et on peut prouver que la vie pastorale était alors prédominante chez eux. Non-seulement les noms des principaux animaux pâturans sont étymologiquement les mêmes dans la plupart des langues aryennes, il y a de plus des rapports étonnans à constater entre les mots qui signifient pâtre, pâture, pâturage, troupeau, étable, etc. Cette racine a fait le tour du monde avec son sens primitif de nourrir, protéger, garder. La déesse latine Paies présidait aux troupeaux, et le mot palais primitivement n’a pas désigné autre chose qu’un pâturage. Dans plusieurs langues, le nom du roi, du souverain et celui du garde-vaches sont identiques. L’étymologie