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seigneurs de la compagnie des îles d’Amérique, formée en 1626, avec le cardinal de Richelieu pour chef et 45,000 livres de fonds social. Sans les soixante ou quatre-vingts vaisseaux hollandais qui venaient chaque année ravitailler nos colonies naissantes, on y serait littéralement mort de faim. Aussi la compagnie déposait-elle son bilan en 1650, en vendant en bloc pour 60,000 livres la Martinique, Sainte-Lucie, la Grenade et les Grenadins ! Quelques années plus tard, la Martinique seule était revendue 120,000 livres ; il y avait progrès. Ce ne fut qu’en 1664 que la main vigoureuse de Colbert se fit sentir dans ces parages éloignés par l’établissement d’une nouvelle compagnie et de prohibitions effectives, car jusque-là, faute de répression, le commerce des îles, restreint en droit, était presque libre de fait. Celui qu’y faisaient les Hollandais s’élevait à la somme, considérable pour l’époque, de 3 millions par an.

Le pacte colonial ne fut véritablement appliqué dans nos Antilles qu’en 1664 d’abord, et jusqu’en 1674, par l’intermédiaire d’une compagnie, puis sous l’autorité directe du roi. Dans ces dernières conditions du moins, le monopole s’étendait à tout le commerce national, et comme avec le temps ce système se coordonnait de plus en plus dans ses diverses parties, comme les idées admises et pratiquées par toutes les nations le rendaient presque logique, les colonies lui durent une splendeur qu’elles n’ont pas retrouvée. Leur plus brillante période fut la première moitié de ce XVIIIe siècle dont l’historien philosophe Daunou disait « qu’un homme né en France vers 1705, ayant échappé par l’enfance aux malheurs des dernières années de Louis XIV, et mort vers 1785, après avoir vécu ses quatre-vingts ans, pourrait se vanter d’avoir été aussi heureux que le comporte l’histoire de l’humanité. » Une habitation de cent vingt nègres valait alors 1 million de francs, et d’après Raynal, le produit net d’un arpent de terre en de bonnes conditions y était de 300 livres. Les galères, il est vrai, menaçaient tout capitaine de navire convaincu d’avoir apporté aux îles des marchandises étrangères (on voit que, dans le pacte colonial, le système prohibitif ne ménageait pas les moyens) ; mais la Martinique recevait annuellement 200 bâtimens de France, 30 du Canada, 10 ou 12 de la Marguerite et de la Trinité, plus 14 ou 15 négriers. Il en fut ainsi jusqu’à ce que la guerre de 1778 vînt rompre le cours de ces prospérités, que ne rétablirent ni la révolution ni l’empire. Toutefois, comme le phénix qui renaît de ses cendres, le pacte colonial réapparaissait tout entier à chaque désastre, et les idées gouvernementales se modifiaient même si peu à cet égard, que la restauration ne trouva rien de mieux que de le consacrer à nouveau par son ordonnance du 5 février 1826 : on y renvoyait, pour les points omis, aux dispositions