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à la douane sans modifier l’accise. Actuellement cet impôt est payé en fabrique ; ce sont le raffineur de sucre, le brasseur, le distillateur, qui acquittent directement les droits dont leurs produits sont grevés. Si au contraire on percevait ces droits chez les détaillans, on pourrait frapper du même coup tous les similaires étrangers qui auront franchi la frontière. Le meilleur moyen, suivant lui, d’atteindre ce but serait d’exiger, comme en Angleterre, une licence pour débiter la bière et l’eau-de-vie, et d’établir une échelle de répartition par catégorie pour les 66,000 débits qui existent en Belgique. De cette manière, le détaillant paierait l’accise au fisc et s’en ferait rembourser par le consommateur. C’est, on le voit, un moyen fort simple d’arriver à la suppression de la douane sans porter aucune perturbation dans le système général des impôts et sans diminuer les revenus du trésor. On peut faire valoir des considérations d’un autre ordre pour résoudre la question financière que soulève cette mesure. Il n’est pas douteux que le développement commercial qui serait la conséquence nécessaire de l’abolition de toute entrave provoquerait dans le pays une prospérité dont les autres branches du revenu public éprouveraient nécessairement le contre-coup, si bien qu’au bout de quelques années le déficit causé par la suppression des douanes serait infailliblement comblé.

Ces divers expédiens suffisent déjà pour montrer la possibilité pratique de la réforme réclamée, mais la meilleure solution du problème financier serait sans contredit dans les économies à faire sur les dépenses publiques et notamment sur le budget de l’armée. Ces économies sont-elles possibles ? On pourrait en douter après les tentatives infructueuses dont nous avons été plusieurs fois témoins en France même. Chaque fois en effet que nos assemblées parlementaires ont essayé de réduire le budget, elles en sont toujours arrivées, après une enquête minutieuse, à constater que la plupart des employés sont Insuffisamment rétribués, et que, pour ce qu’ils ont à faire, ils ne sont pas trop nombreux, en sorte qu’au lieu d’une diminution des charges publiques c’est à une aggravation quelles aboutissaient le plus souvent. Faut-il cependant se tenir pour battu et admettre qu’il n’y a pas d’économies à faire ? Non, mais elles ne sont pas là où on les cherche. Le point de départ de toute économie doit être l’étude consciencieuse et approfondie de tout ce qui est essentiellement du domaine de l’état et la limitation absolue de ses attributions à la sauvegarde des intérêts généraux de la société. Il n’est pas douteux que l’on ne pût se passer de bien des administrations, si l’on abandonnait à l’industrie privée le soin de nous rendre les services en vue desquels elles ont été créées. La liberté des cultes, celle de l’enseignement, celle des théâtres, etc., supprimeraient les budgets correspondais ; une autre organisation communale permettrait de réduire le nombre des fonctionnaires ; un autre système d’impôts rendrait sans doute les frais de perception moins onéreux, etc. Quant aux administrations jugées utiles à conserver, il suffirait, pour en simplifier les rouages, d’imposer aux agens la responsabilité de leurs actes.