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REVUE. — CHRONIQUE.

Néanmoins les économies à faire par les administrations civiles sont peu importantes en comparaison de celles qu’on pourrait réaliser sur le budget de la guerre. Les Belges, qu’on ne l’oublie pas, s’imaginent toujours que leur pays doit être l’enjeu d’une conflagration européenne. Aussi redoutent-ils la guerre plus que tout au monde. N’ayant avec raison aucune confiance dans l’adage : si vis pacem, para bellum, ils prêchent le désarmement avec une persévérance qui, pour être intéressée, n’en est pas moins digne d’éloges. La plupart, il est vrai, entendent parler d’un désarmement général ; mais il en est quelques-uns qui voudraient que la Belgique donnât l’exemple et qui prétendent que leur indépendance est mieux garantie par leur neutralité que par leur armée. Dans leur opinion, celle-ci n’est pour eux qu’un danger, car elle pourrait entraîner malgré lui le gouvernement à prendre parti dans un conflit et par conséquent attirer sur le pays les malheurs qu’elle a pour objet de prévenir. Ils ajoutent que la liberté commerciale finirait par créer entre les peuples une telle solidarité qu’aucune guerre ne serait bientôt plus possible, et que par conséquent la suppression de l’armée serait la conséquence logique de la suppression de la douane.

Quoi qu’il en soit de ces argumens pour ou contre le désarmement, il est permis, tout en écartant cette question d’un ordre trop général, de ne pas constater sans une satisfaction sincère les progrès si remarquables que l’esprit d’association et de discussion a fait faire en Belgique aux questions économiques. Si cet esprit avait plus largement présidé en France aux dernières réformes commerciales, peut-être seraient-elles mieux comprises aujourd’hui dans notre pays. C’est donc à tort qu’un orateur, tout en vantant récemment au corps législatif les bienfaits de la liberté commerciale, a dit qu’on avait eu raison chez nous d’ajourner encore les autres libertés. L’exemple de la Belgique prouve au contraire que ces libertés sont elles-mêmes nécessaires pour rallier l’opinion publique à celles dont on nous juge dignes.

J. Clavé.


ESSAIS ET NOTICES
UN ÉCRIT AMERICAIN SUR L’ESCLAVAGE[1].


Depuis trois longues années déjà, une terrible guerre dont la première cause est l’esclavage des noirs sévit dans les États-Unis, des milliers d’hommes sont tombés sur les champs de bataille en expiation du crime national commis contre la race africaine, et cependant le grave enseigne-

  1. Les États confédérés et l’Esclavage, par M. F.-W. Sargent, de Philadelphie. — Paris, Hachette, 1864.