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les rues, ôter toutes les pierres anciennes, ce qui faisoit murmurer le petit peuple; » mais Olivier d’Ormesson se trompait en croyant que Colbert ménageait la place de lieutenant civil à son oncle. La rigidité, la dureté de Pussort[1] auraient bientôt rendu odieux aux Parisiens le régulateur bourru, despotique, quoique très droit et très éclairé, du conseil d’état.

Dans une ville comptant déjà plus de cinq cent mille habitans, où les moyens de surveillance étaient encore si bornés, où s’élevaient chaque jour d’importantes questions de justice et de voirie, les attributions administratives et judiciaires du lieutenant civil du prévôt paraissaient excéder désormais la capacité et les forces d’un seul homme. Le sieur Daubray ayant été empoisonné par la marquise de Brinvilliers sa fille, un édit du 15 mars 1667 dédoubla sa charge; celle de lieutenant civil fut conservée, mais restreinte à un pouvoir uniquement judiciaire, et confiée à Antoine Daubray, qui devait avoir, trois ans après, le triste sort de son père. On créa en même temps un lieutenant pour la police, qui devint, quelques années plus tard, ce lieutenant-général de police dont les attributions ont été maintenues à peu près intactes jusqu’en 1789. Plus considérables que celles du lieutenant civil, qui avait cependant la préséance sur lui, mais sans commandement, elles représenteraient assez bien celles dont le préfet de police était encore investi il y a quelques années, si le lieutenant-général de police n’avait eu en outre le droit de juger sommairement les cas de flagrant délit n’entraînant aucune peine afflictive.

Au début d’une organisation dont le succès intéressait à un si haut point le gouvernement, il importait de confier les nouvelles fonctions à un homme doué de l’intelligence nécessaire pour en bien marquer les limites et d’une grande fermeté pour les faire respecter. Le corps des maîtres des requêtes de l’hôtel, distinct du conseil d’état, était alors en possession de fournir les intendans et les administrateurs pour les postes difficiles. Chargés de juger les procès des officiers de la couronne et des maisons royales, employés dans les bureaux de la chancellerie, rapporteurs des affaires sur lesquelles le conseil d’état avait à rendre des arrêts, remplaçant au besoin les présidens des sénéchaussées et des bailliages, envoyés enfin par les ministres en mission extraordinaire soit à l’intérieur, soit aux armées, les maîtres des requêtes de l’hôtel passaient par les fonctions les plus diverses et pouvaient y donner la mesure de leur capacité. Ils comptaient dans leurs rangs, en 1667,

  1. Le président de Lamoignon et le duc de Saint-Simon ont fait chacun de Pussort un portrait dont l’identité prouve que Saint-Simon ne forçait pas toujours les couleurs.