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cée et fort élégante. Les rameurs, munis chacun d’une palette ou pagaie et disposés sur deux rangées, l’une à bâbord, l’autre à tribord, battent l’eau en cadence en s’accompagnant de la voix. Nous occupions le milieu, devisant et fumant, attentifs surtout à éviter les mouvemens trop brusques qui auraient pu faire chavirer notre légère embarcation.

Les mangliers, les palétuviers, ces amis des bas-fonds salins, que l’on retrouve sous les tropiques dans tous les lieux humides et marécageux, au bord et non loin de la mer, les ravenals aux feuilles immenses qui servent à orner la table du Malgache et à recouvrir sa maison, les varoas aux lanières tombantes ou dressées en pyramide, le raffia dont le cœur, comme celui du palmiste, fournit un manger délicieux, et dont les feuilles donnent les libres qui servent à tresser une partie des étoffes du pays, enfin l’urania aux palmes serrées en éventail et retenant l’eau dans leurs pétioles, — ce qui lui a valu le surnom heureux d’arbre du voyageur — toute cette végétation des tropiques, marquée de tons vifs, éclatans, entourait l’une et l’autre rive du lac. Aux troncs des vieux arbres se nouaient amoureusement des flancs aux allures capricieuses ou ces parasites aux feuilles épaisses d’un vert sombre, aux corolles blanches épanouies, les orchidées, dont certaines sont particulières à Madagascar. L’une d’elles, l’angrœcum sesquipedale, produit des fleurs du port le plus élégant, qui ont été jugées dignes d’être envoyées en Angleterre pour orner une tête royale. Elles figuraient à ce titre dans la couronne de fleurs naturelles tressée pour la princesse de Galles le jour de son mariage, et elles y brillaient au premier rang. Sous l’eau, le long des bords du lac, nous distinguions des plantes aquatiques particulières aussi à la flore de Madagascar, entre autres l’ouviranda fenestralis, dont les tiges sveltes promenaient au-dessus de la nappe liquide, avec une sorte de curiosité coquette, leur tête balancée par la brise. Les feuilles de ce gracieux végétal forment l’un des plus remarquables ornemens de l’herbier du botaniste. Elles sont toutes découpées à jour ; leurs nervures déliées composent une véritable dentelle ; on dirait de ces feuilles desséchées réduites à l’état de squelettes qu’on rencontre l’hiver sous les vieux arbres de nos forêts.

Mais quand la flore madécasse nous dévoilait ainsi le long du chemin une partie des richesses de l’île, la faune restait presque muette pour nous. Des canards sauvages, des poules d’eau, des sarcelles se montraient bien en bandes à travers les bouquets de joncs, nous vîmes bien aussi, voletant à travers les arbres ou rasant la surface de l’eau, quelques-uns de ces papillons aux ailes étincelantes, aux riches couleurs, les plus beaux parmi les lépidoptères,