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détachaient fortement sur le fond jaune du terrain. Nous traversâmes à notre tour ce plateau sous les feux d’un soleil de novembre qui pouvait rivaliser avec ceux du soleil d’août de la belle France, et à midi nous arrivâmes à Biskra.

La ville de Biskra, située sous le 35e degré de latitude et à 125 mètres au-dessus de la mer, est la capitale d’un district étendu qui renferme de nombreux villages dont chacun s’appelle un zab, au pluriel ziban. C’est de là que le district a tiré son nom. Biskra était un poste romain qui se nommait ad Piscinam, du nom d’une source d’eau chaude distante de 6 kilomètres et désignée par les Arabes sous le nom d’Aïn-Salahin. Salomon, vainqueur des Maures de l’Aurès au IVe siècle, rendit cette province tributaire des Romains : Vectigalem Romanis fecit idem provinciam Zabam tram montem Aurasium sitam, dit Procope[1]. Le chef du district prenait le titre de prœfectus limitis Zabensis. La province, avec tout le pays, passa sous la domination arabe, puis sous celle des Turcs, dont le fort ruiné se voit encore sur un monticule au nord de la ville. Le 18 mai 1849, elle fut occupée par M. le duc d’Aumale. Biskra se compose maintenant d’une ville française groupée près du fort Saint-Germain, ainsi nommé en l’honneur d’un commandant du cercle de Biskra tué en 1849, à la suite de l’insurrection de Zaatcha. Au sud de la ville, l’oasis, c’est-à-dire la forêt de palmiers, s’étend sur la rive droite du fleuve. Le nombre des dattiers s’élève à plus de cent dix mille, et plusieurs villages sont cachés au milieu des jardins. Le canal de dérivation, construit par les soins du génie militaire, emprunte à l’Oued-Biskra les eaux nécessaires à l’irrigation. Près du fort, une grande place carrée est entourée de galeries couvertes ; l’église s’élève d’un côté, et en face le cercle militaire, dont le jardin, emprunté à l’oasis, est planté de palmiers au milieu desquels on a tracé des allées sinueuses bordées de fleurs. Un marché couvert où les Arabes exposent leurs denrées, quelques rues à angle droit bordées de maisons composées d’un rez-de-chaussée ou à un étage seulement, telle est l’image de la ville française la plus méridionale de la province de Constantine. Le fil télégraphique, la poste aux lettres et les diligences ne vont point au-delà de Biskra ; mais, le croirait-on ? il y existe un bureau de douane, d’entrée et de Sortie, et des préposés à cheval sont censés empêcher dans les solitudes du Sahara une contrebande imaginaire. Ce qu’ils empêchent en réalité, c’est que les caravanes ne prennent la route de Philippeville au lieu de se diriger vers Tunis ou Tripoli.

Une institution plus utile, c’est un jardin d’essai, le jardin de

  1. De Bell. Vand., l. II, cap. XX.