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REVUE. — CHRONIQUE.

gards de toute l’Europe, qu’ils ont à réparer le mauvais effet des regrettables émotions de Turin, et que l’heureux succès du nouvel ordre de choses va dépendre en grande partie de la sagesse de leurs appréciations et de la dignité de leur attitude.

Nous avouons que nous ne sommes pas bien placés pour juger la convention du 15 septembre au point de vue de la cour de Rome. Nous ne sommes point de ceux, on le sait, qui pensent que le pouvoir spirituel et temporel doivent et puissent subsister réunis sur la même tête dans nos sociétés modernes. Cependant ceux qui sont d’une opinion contraire auraient mauvaise grâce à décliner l’épreuve à laquelle la papauté temporelle va être soumise par la convention du 15 septembre. C’est une question d’honneur pour la papauté et pour la religion catholique d’expérimenter enfin si le pouvoir temporel a une vitalité propre. L’expérience est d’ailleurs tentée dans des conditions dont les partisans de la théocratie romaine n’ont point à se plaindre. Le pape est mis à l’abri de toute agression extérieure par la parole de l’Italie donnée à la France, et cette parole, le gouvernement italien, qui a déjà rempli le douloureux devoir d’arrêter Garibaldi à Aspromonte, saura certainement la tenir. Le gouvernement pontifical n’aura à faire face qu’aux difficultés intérieures, et, pour résister aux élémens de désordre qui menaceraient la tranquillité intérieure de son petit état, il pourra recruter au sein des pays catholiques une petite armée. On calcule que l’état pontifical actuel renferme une population d’environ six cent mille âmes. En défalquant les femmes, les vieillards, les enfans, il ne peut y avoir dans une population si restreinte qu’environ quarante ou cinquante mille hommes capables, s’ils étaient tous hostiles au gouvernement pontifical, de prendre part à des soulèvemens ou à des émeutes. L’armée du pape pourra, nous le supposons, être portée à dix-huit ou vingt mille hommes ; ce serait la proportion d’un soldat pour deux ou trois habitans capables d’entrer en lutte contre le gouvernement. On conviendra qu’une telle force serait bien suffisante pour maintenir la tranquillité intérieure ; mais, pour que le pape puisse lever dix-huit ou vingt mille hommes, il faut que ses ressources financières soient accrues. La convention du 15 septembre 1864 ouvre au saint-père la faculté d’accroître notablement son revenu, à une condition : c’est qu’il consentira à laisser payer par l’Italie la portion de la dette de l’état pontifical afférente aux provinces qui se sont détachées de cet état pour entrer dans l’unité italienne. La question pratique de la convention au point de vue de la cour de Rome réside dans cette stipulation relative au partage de la dette. S’il ne consent point à profiter de la ressource qui lui est offerte, le gouvernement romain ne pourra pas entretenir une armée jugée par lui suffisante. S’il y consent, il accepte indirectement et implicitement le fait accompli d’une annexion dans laquelle il n’a cessé de voir jusqu’à présent qu’une spoliation inique accomplie à ses dépens. C’est là, on le voit, le point critique de la convention pour la cour de Rome. La politique expectante est celle que préfère cette cour. Nous ne croyons point