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On capitula : le brevet et la propriété du fanal passèrent à perpétuité dans les mains de Trinity House, mais Avery obtint d’en retenir le bail durant soixante et un ans, à la condition de payer annuellement 100 livres sterling (2,500 francs). Telle est l’origine des lumières flottantes. Hamblin et Avery ne sont point en odeur de sainteté parmi les membres du Trinity Board. Je ne vois pourtant aucune raison pour les traiter l’un et l’autre avec dédain. L’invention était vraiment utile, et la preuve, c’est qu’elle a survécu. On prétend, il est vrai, que cette même idée avait été proposée cinquante ans auparavant par sir John Clayton. Toujours est-il que la maison de la Trinité avait repoussé le projet, tandis que les deux aventuriers, si l’on tient à les appeler ainsi, eurent du moins l’honneur et le mérite de le mettre à exécution.

L’éclairage des mers par le moyen des vaisseaux est soumis à certaines conditions géologiques. On compte maintenant quarante et une lumières flottantes en Angleterre, tandis qu’il n’en existe qu’une en Écosse et cinq en Irlande. Ne doit-il point y avoir une raison, ou, comme disent les naturalistes, une loi géographique déterminant la distribution des vaisseaux lumineux à la surface de l’Océan ? Cette loi, la voici : les rivages de l’Écosse et de l’Irlande se composent principalement de rochers de granit et de porphyre ; désagrégées depuis des siècles, ces masses ont bien formé dans certains endroits des accumulations de bancs de sable donnant naissance à des détroits et à des défilés de mer d’un accès dangereux ; mais il reste toujours des blocs solides sur lesquels on peut bâtir des phares. Il n’en est plus du tout de même dans le sud et à l’est de l’Angleterre : là, presque toute la ligne du littoral consiste en falaises de craie ou d’autres roches friables, tandis que le fond de la mer est un lit de sable : dans de telles circonstances, où trouver une base assez ferme pour y jeter les fondemens d’une tour destinée à braver le vent, la tempête, quelquefois même les injures des vagues ? C’est dans de pareilles localités que le vaisseau-fanal rend surtout des services. Un des endroits les plus redoutés des marins est, sur les côtes du Kent, ce qu’on appelle les sables de Goodwin (Goodwin Sands), qui ont, s’il faut en croire certains récits, la propriété de dévorer les navires. Différentes tentatives pour y élever un phare ayant échoué, on a établi sur ces sinistres parages trois lumières flottantes qui avertissent les vaisseaux, et qui ont certainement empêché plus d’un naufrage[1]. De semblables signaux sont employés à Yarmouth, dans

  1. Un phare et deux balises, beacons, ont été successivement érigés et détruits depuis 1841. Une des trois lumières flottantes est aujourd’hui à North Sandhead, environ six milles de Margate, l’autre à Blunt Head, presqu’en face de Deal, et la dernière à six milles de South Foreland.