Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/124

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aux tentations de la vague et de la brise, mordant en quelque sorte son frein, il souffre, mais il éclaire.

Le royaume-uni possède quarante-sept lumières flottantes, dont trente-quatre appartiennent en Angleterre à Trinity House, quatre en Irlande au Ballast Board, et le reste à des autorités locales. La construction et l’équipement d’un de ces vaisseaux coûtent de 3,622 liv. sterl. (90,550 fr.) à 6,224 liv. sterl. (155,600 fr.). L’entretien de chaque bâtiment, en comptant la consommation de l’huile, le salaire, l’habillement et la nourriture des hommes, entraîne pour Trinity House une dépense annuelle de 103 liv. sterl. (27,575 fr.). Les light-vessels rendent à coup sûr de grands services, ils s’adaptent merveilleusement à la configuration d’une partie des côtes britanniques, et cette circonstance explique assez qu’ils aient pris naissance en Angleterre ; mais leur lumière ne saurait s’élever à une grande puissance. Aussi leur préfère-t-on de beaucoup le feu des phares dans tous les endroits où la nature a permis d’élever certains ouvrages de maçonnerie[1]. C’est cette seconde branche de l’éclairage des mers qu’il nous faut étudier.

iv.

Les phares ou édifices destinés à servir de véhicule à la lumière, light-houses, se présentent en Angleterre dans trois conditions bien différentes. Les premiers s’élèvent montés sur de hautes échasses à l’embouchure des rivières refoulées par la marée, et ressemblent tant soit peu à des hérons. Ces échasses sont ou des charpentes de bois ou des tiges de fer qui soutiennent en l’air le corps du logis, de sorte que la vague peut tressaillir et écumer pendant des siècles sans atteindre le sommet où vit la lumière. La solidité de telles constructions bizarres donne généralement un démenti au proverbe

  1. Sans même quitter les îles Scilly, on peut visiter deux phares très intéressans, celui de Sainte-Agnes et celui du Bishop Rock (rocher de l’Évêque). Ce dernier a succédé à un édifice qui s’écroula en 1850 durant une violente tempête. Il s’élève sur un roc isolé au milieu de la mer, et l’accès en est si difficile que pour y aborder les gardiens du phare ne se risquent guère sans une ceinture de sauvetage. Il faut sauter de la barque sur une surface polie comme le diamant, et pour peu que le pied glisse ou que la main manque de saisir les angles du rocher, l’homme est précipité dans la mer. Ce phare, l’un des ouvrages de pierre les plus admirables et les plus exposés aux injures des vagues, fut assailli en 1860 par une trombe d’eau qui lui arracha sa cloche suspendue à cent pieds au-dessus du niveau ordinaire des hautes marées. La viande fraîche et les légumes ne s’y conservent point ; aussi les hommes sont-ils quelquefois attaqués par le scorbut. À terre, ils habitent dans Saint-Mary’s de belles maisons blanches que met à leur disposition Trinity House.