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qui veut que les maisons bâties sur le sable ne soient point à même de défier le choc du vent et des eaux. Les secondes light-houses sont des tours qui s’élancent avec beaucoup plus de dignité sur les côtes. Environnées de blancs cottages et enfermées par un mur d’enceinte, elles font face à la mer qu’elles dominent. On peut voir un bel exemple de ces phares au cap du Lizard : l’édifice consiste en deux tours surmontées d’une lanterne et reliées entre elles par une galerie couverte, de telle sorte que le gardien chargé d’entretenir la lumière, light-keeper, peut passer de l’une à l’autre pendant la nuit sans être exposé à la pluie ni aux injures de l’air. Les bureaux, les appartemens, les maisons des gardiens du phare forment tout ensemble avec les tours une masse de bâtimens blanchis à la chaux qui, à cause de cette couleur éclatante, servent de point de repère aux marins pendant la journée. Enfin les troisièmes light-houses sont des géans de granit debout et isolés au milieu des abîmes de l’Océan. On les comparerait volontiers à Prométhée : cloués au roc, ils lèvent à bras tendu vers le ciel, comme un défi jeté à Jupiter, le feu que toutes les colères de la tempête ne sauraient éteindre. L’érection de ce dernier système de phares est évidemment le triomphe de l’architecture appliquée à la science des ingénieurs. Le plus ancien de tous est celui qui se dresse au milieu de la mer sur le rocher d’Eddystone, Eddystone Lighthouse.

Je m’y rendis de l’ancien port de Plymouth, Sutton Pool, sur une forte barque gouvernée par deux hommes : il était huit heures du matin, et je fus averti que le voyage pour aller et pour revenir durerait à peu près toute la journée. Nous passâmes devant la citadelle, où l’on était en train d’élever des batteries circulaires sur des collines nues et farouches. Arrivés dans le détroit de Plymouth, nous rencontrâmes sur la droite le Break-Water (brise-lames), ouvrage de titans ; c’est une chaussée toute pavée de quartiers de roches et qui s’étend sur une longueur d’un mille dans la mer, dont elle rompt la sauvage impétuosité. La première pierre, — un énorme bloc, — fut posée ou pour mieux dire précipitée dans ces eaux le 12 avril 1812. Depuis lors, on a englouti des carrières de quatre millions de tonnes de rochers pour combler dans cet endroit le lit de l’Océan. Je m’arrêtai au Break-Water, curieux de visiter à la fois cette stupéfiante barrière qui dompte la fureur des flots et un phare construit en 1843 qui s’élève à l’extrémité ouest du brise-lames. Après avoir marché quelque temps sur une grève toute jonchée de rochers de granit aplanis et façonnés en manière de dalles par le ciseau, je trouvai au bout de cette voie cyclopéenne une tour grisâtre percée d’étroites fenêtres irrégulières, couronnée d’une lanterne et flanquée d’un tuyau de cheminée qui fumait. On n’ar-