Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/126

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rive à la porte, massive et solidement fixée dans un chambranle de métal, qu’après avoir escaladé plusieurs marches de granit aussi raides que les degrés d’une échelle : on a évidemment voulu fermer l’entrée de la tour à un visiteur dangereux, et ce visiteur est la mer, qui par les gros temps s’élance quelquefois sur la chaussée, élevée pourtant de dix-huit à vingt pieds au-dessus du niveau des eaux basses. À l’intérieur, un escalier de pierre tournant, tel qu’on en rencontre dans les anciens donjons, conduit d’abord à la chambre des huiles (oil room), où se trouvent seize grands récipiens connus sous le nom de citernes (oil cisterns). On voit ensuite se succéder la chambre des provisions (store-room), la chambre à coucher (bed-room), le salon (dwelling-room), et la chambre du guet (watch-room). Le tout est surmonté par une loge de verre recouverte d’un toit également de verre, et au milieu de laquelle trône la lanterne, haute de huit pieds, soutenue par des piliers de bronze. Cette lanterne se trouve pourvue de quatre réflecteurs et de cent dix-huit miroirs ; la lumière porte à une distance de huit milles ; elle est rouge pour ceux qui l’aperçoivent en mer et blanche pour ceux qui l’observent du rivage. Au phare est attachée une cloche que l’on sonne constamment par les temps de brouillard, et telle est l’expérience des pilotes que d’après la manière dont le son de cette cloche leur arrive, ils savent tout de suite dans quel endroit de la mer ils se trouvent[1]. Le personnel se compose de trois hommes, qui passent chacun deux mois dans le phare et un mois sur le rivage. Les deux qui sont de service se relèvent l’un l’autre pendant la nuit. Ils reçoivent tous les mois de Plymouth leurs provisions, qui consistent surtout en légumes secs et en viandes salées. Dans le cas où l’un des hommes vient à tomber malade, on fait jouer le télégraphe, et si c’est la nuit, on donne le signal par une lumière. Leur femme et leur famille peuvent venir en bateau les visiter pendant la journée ; mais dès le coucher du soleil il faut vider la place. Durant l’hiver, les vagues montent souvent plus haut que le toit de la tour. Ces deux phares, celui du Break-Water et celui du rocher d’Eddystone, ont ensemble plus d’un rapport, en ce sens que, se trouvant sur le même chemin, ils guident d’une lumière à l’autre les vais-

  1. Le meilleur système pour donner un signal d’alarme au milieu du brouillard, fog signal, n’est point encore très connu. Il y en a du moins un préférable à celui de la cloche. Dans le phare de South-Stack, près de Holyhead, construit au milieu d’une île sous une falaise et relié à la terre ferme par un pont, on se sert d’oiseaux de mer apprivoisés. Les mouettes se perchent sur les murs du light-house et poussent des cris qui avertissent les marins. Ce phare possède une cloche et un canon ; mais le signal naturel a été jugé si supérieur, qu’on a éloigné le canon à quelque distance du roc, de peur que le bruit n’effrayât les oiseaux. Dans l’île, les jeunes mouettes courent à terre parmi les lapins blancs, avec lesquels elles vivent sur un pied d’intimité.