Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/154

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même temps qu’au bien de l’état. Il ne serait pas juste de supposer que, tout entier à des vues d’égoïsme, le consul n’ait songé qu’à l’avenir de l’empereur, et cherché dans les ministres des autels que les auxiliaires-nés du despotisme ; son esprit s’ouvrait à des vues plus hautes et plus désintéressées, et l’idée de faire rentrer la société française en possession d’une institution regardée de temps immémorial comme un élément nécessaire de tout ordre social souriait à sa raison autant qu’à son orgueil.

Il est vrai que de ces généralités ne ressortait point comme une conséquence forcée le concordat de 1801. D’autres moyens pouvaient rendre au christianisme sa sécurité et son influence sans l’encadrer dans une convention diplomatique et une législation civile, et assurément la foi, la ferveur, la morale évangélique, pouvaient renaître et grandir à la pure lumière de la liberté mieux qu’à l’ombre d’un système d’administration demi-laïque, demi-ecclésiastique, qui semble dans la police des cultes placer toute la religion. « À cette époque, dit Mme de Staël, les partisans les plus sincères du catholicisme n’aspiraient qu’à une parfaite liberté religieuse… Le gouvernement consulaire eût contenté l’opinion en maintenant en France la tolérance telle qu’elle existe en Amérique. » Sans doute cette opinion existait, et l’on pouvait bien n’écouter qu’elle ; mais il y a toujours, si j’ose ainsi parler, deux opinions : l’opinion de la raison et l’opinion de l’imagination. Napoléon s’est rarement contenté de s’adresser à la première ; il aimait mieux, il comprenait mieux la seconde, et c’est à cette préférence qu’il a dû ses plus grands succès et ses plus grandes fautes.

Aussi, tout en ayant peu à redire à la théorie que le christianisme, la philosophie et l’expérience dictent à M. de Pressensé, tout en reconnaissant ce qu’il y a de piquant et de vrai dans la manière dont il décrit l’esprit tout mondain qui présida à la conclusion du concordat, aussi éloigné que lui de regarder cette transaction célèbre comme le modèle de la sagesse, nous dirons au judicieux historien qu’il ne montre pas, qu’il ne voit pas assez pourquoi ni combien ce fut une œuvre nationale comptée à son auteur par d’excellens esprits et par l’opinion des masses comme un de ses plus grands bienfaits et une des plus grandes preuves de son génie de gouvernement. Le système volontaire, c’est-à-dire la liberté de la vie privée transportée intégralement dans la vie religieuse, la tolérance telle qu’elle existe en Amérique, peuvent être d’excellentes choses et des nouveautés faites pour plaire à des protestans capables de la plus haute impartialité, à M. de Pressensé comme à Mme de Staël ; mais franchement est-ce ainsi que l’on pensait au début du siècle ? Non, et l’on ne pense pas même encore ainsi. Il faut se reporter au passé. La révolution française n’avait pas su (le sait-elle