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constituées en France il y a soixante-deux ans. Cette organisation a peu changé. Un corps épiscopal qui, très uniforme dans ses idées, a peu de cohésion par lui-même, et qui, nommé par le gouvernement, tient ses pouvoirs spirituels du pape, exerce une autorité presque illimitée sur un clergé dont il désigne à l’état les chefs secondaires, tout le reste du corps des pasteurs demeurant à sa nomination. L’armée entière, généraux et soldats, est entretenue par le trésor public. En échange, le gouvernement a retenu quelques droits de surveillance, de censure même, qui n’ont presque aucune sanction, faible reste de l’ancienne prérogative temporelle des rois et des parlemens. L’indépendance du clergé pourrait aller très loin, s’il n’était contenu par l’opinion, par les ressources d’arbitraire déposées dans nos lois, surtout par les sentimens et les calculs qui lui font désirer la protection, même s’il peut, la coopération morale de l’état, et qui l’attachent naturellement, dans un temps de révolutions, aux idées d’ordre et d’autorité. Comme les anciens droits gallicans de l’état, ceux du clergé à l’égard des évêques, ceux des évêques à l’égard du saint-siège, tout a baissé. Toutes les situations ont perdu en dignité comme en force de résistance ; mais ce qui a été conservé d’autorité à chacun s’exerce à peu près sans contrôle, et c’est ce qu’on préfère souvent à la dignité. La puissance pontificale seule a vraiment grandi ; elle a rompu presque tous les liens qui gênaient son action de ce côté-ci des Alpes, et cela vient en compensation pour ce qui lui arrive de l’autre.

Cette situation générale s’est développée avec le temps. Le concordat avait été une première victoire de la papauté non-seulement sur l’église constitutionnelle, qui n’a pas tenu devant elle, mais sur l’ancienne église de France, qui n’a fait qu’à la nécessité le sacrifice d’une existence et d’une constitution jadis placées hors, de l’arbitraire de la cour de Rome. La première s’est dispersée en un clin d’œil ; la seconde est allée plus lentement se perdre dans les obscures menées de la petite église. Après les tempêtes de la fin de l’empire, après que l’auteur même du concordat eut prouvé à l’église les inconvéniens qui résultent même pour elle du contact et du mélange des deux puissances, est venue la restauration. L’église y a beaucoup gagné, elle l’a cru du moins, en crédit, en éclat, en influence morale. Naturellement engouée du passé, éprise de la vétusté, contre-révolutionnaire par principe et par intérêt, elle devait être royaliste, et son royalisme n’était nullement affaibli par ce qui lui restait encore alors de l’esprit gallican. Au contraire le gallicanisme est monarchique, et il cherche dans le pouvoir civil un contre-poids au pouvoir de Rome. Une alliance au moins très apparente se conclut donc alors entre l’église et l’état, et de là, aux