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pour une doctrine de foi et de conscience que d’être enchaînée aux destinées d’un établissement politique et engagée dans le conflit des révolutions. Il est vrai qu’il lie sa théorie à l’idée de l’indépendance et de l’unité de l’Italie. On devine comme son livre, digne à tous égards d’être lu, sera reçu de ceux que l’auteur tiendrait le plus à convaincre. Ceux-là mêmes qui dans le clergé ont encouragé ses idées se retireront de lui ou lui serreront la main à la dérobée, en le priant de ne pas les trahir. Par le matérialisme politique qui court, et qui a quelque peu pénétré dans la religion même, on est suspect d’un ascétisme révolutionnaire, quand on pense que la métaphore des deux glaives n’est bonne que pour les rhéteurs, et que la triple couronne de la tiare n’a rien de commun avec ce royaume de Dieu qui ne doit pas venir avec rien qui l’annonce au dehors, qui n’est ni ici, ni là, qui n’est pas autre chose que le christianisme intérieur[1]. M. Arnaud oublie trop que, dans une institution historique et traditionnelle, le préjugé fait corps avec l’idée, la forme avec le fond, et qu’il ne faudrait pas moins peut-être qu’un nouveau saint Paul pour redresser saint Pierre.

Ceux qui écrivent sur la religion, bien différens de ceux qui l’administrent, penchent à ne voir en elle que le spirituel, une pure idée qui par l’intermédiaire de l’intelligence s’empare du cœur. Or il est facile de raisonner sur une idée et de lui assigner spéculativement le rôle qu’on veut dans la réalité des choses ; mais pour les prêtres, pour les magistrats, pour les masses, la religion, toute religion est un fait compliqué, façonné par les siècles, dans lequel on ne choisit pas, et que l’habitude a consacré. Il faut le prendre tel qu’il est ; par la nature des croyances et des sentimens qui s’y rattachent, il est volontiers tenu pour immuable, et ne saurait être modifié qu’avec beaucoup de difficulté, de prudence et de ménagement. Avant donc de tenter une réforme en ce genre, il faut bien regarder si elle est possible, si elle est comprise, si ceux à qui on la destine sont disposés à la recevoir, et, pour tout dire, s’ils en sont capables, s’ils en sont dignes. Cette grave et persistante question se pose toujours quand il faut fonder une liberté quelconque, mais surtout la liberté religieuse.

L’espace nous manque pour reprendre en principe et dans sa généralité la question de l’église et de l’état, telle qu’on l’a traitée en Angleterre, en Suisse, en Allemagne. Indiquons seulement le point de dissidence entre des hommes qui prétendent également au titre de chrétien.

Ce qui produit l’hésitation de l’esprit et la confusion des idées

  1. Luc, XVII, 20.