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intestins, ainsi que d’autres liquides interstitiels. Tous ces élémens, constitutifs du milieu intérieur sont ensuite portés au cœur, centre du mouvement circulatoire. Ici commence le système artériel qui lance le sang dans une direction inverse à celle qui précède, c’est-à-dire du centre à la périphérie. Le sang ainsi poussé par le cœur dans les artères va se purifier en tout ou en partie de divers produits d’élimination et par des mécanismes divers, suivant les organismes ; mais ce qu’il importe de savoir ici, c’est que le sang artériel est celui qui se dirige vers nos organismes élémentaires et qui leur distribue toutes les substances capables de réagir sur eux. Le sang artériel porte la vie aux élémens organiques, parce qu’il contient en dissolution l’oxygène et les autres élémens d’un milieu organique propre à entretenir la vie ; mais le sang artériel peut aussi apporter la mort, s’il s’est introduit dans les voies circulatoires, c’est-à-dire dans le milieu intérieur organique, des substances qui l’ont vicié. Or c’est le cas qui se présente dans tous les empoisonnemens.

Lorsqu’un animal est piqué par une flèche empoisonnée avec du curare, nous avons vu qu’il ne meurt qu’après un certain temps. Il y a en effet trois étapes nécessaires que le poison doit parcourir. Premièrement, le poison doit être dissous dans la plaie par les humeurs animales qui s’y trouvent ; deuxièmement, il doit pénétrer dans les veines et être porté jusqu’au cœur ; troisièmement, il doit être amené en contact avec les élémens organiques au moyen du système artériel. Ce n’est point encore tout : il faut que la substance toxique s’accumule dans le sang par suite d’une disproportion qui doit s’établir entre l’absorption et l’élimination du poison. Tout cela demande, ainsi que nous le savons, un maximum de dix à douze minutes pour s’accomplir. Nous concevons maintenant que le curare puisse ne pas agir si, avant d’arriver au système artériel, il rencontre sur sa route quelque voie d’élimination rapide, ou s’il se trouvait, par un obstacle quelconque, retenu dans le système veineux. En effet, dans ce cas le poison ne parvient pas jusqu’aux voies qui conduisent aux élémens organiques.

Trois ans après le retour de Waterton en Angleterre, Brodie fit quelques expériences qu’il importe de mentionner. On inocula du curare à la jambe d’un âne, et il mourut en douze minutes. Sur un autre âne, on inocula le même poison, et de la même manière, mais après avoir placé un bandage autour de la jambe au-dessus de l’endroit où l’inoculation avait été pratiquée. L’âne marcha librement, comme à l’ordinaire, et il continua à manger sans s’apercevoir de rien. Au bout d’une heure, on délia le bandage, et dix minutes après la mort avait saisi cet animal. Ces expériences, qui sont imitées de