Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/184

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ses élémens organiques ont perdu leurs propriétés vitales. En faisant l’autopsie au moment même de la mort, on doit donc toujours rencontrer des élémens organiques qui ont perdu leurs propriétés physiologiques ; mais d’autres qui les possèdent encore, et qui ne finissent par les perdre et par mourir à leur tour qu’à cause de la dislocation des fonctions nécessaires à leur existence. Quand on pratique l’autopsie vingt-quatre heures après la mort, tous les élémens organiques sont éteints, rigides et froids. On ne trouve plus que des lésions chroniques qui nous font connaître les diverses métamorphoses pathologiques des tissus, mais qui ne nous expliquent en rien le mécanisme de la mort, car l’individu vivait quelques heures auparavant avec cette même lésion. Dans d’autres cas, on ne trouve rien, et on croit que la cause de la mort est insaisissable. C’est ce qui nous serait arrivé, si nous eussions fait l’autopsie de notre grenouille le lendemain : nous aurions eu un cadavre empoisonné par le curare qui ne nous aurait offert aucune lésion, qu’il nous eût été impossible de distinguer sous aucun rapport du cadavre d’une grenouille morte d’une tout autre manière. Il en est autrement, ainsi qu’on le verra, lorsqu’on fait l’autopsie physiologiquement, c’est-à-dire en ouvrant l’animal aussitôt après la mort. C’est là un avantage des plus importans que présente seule la pathologie expérimentale, car ce que la morale interdit de faire sur nos semblables, la science nous autorise à le faire sur les animaux. L’homme, qui a le droit de se servir des animaux pour ses usages domestiques et pour son alimentation, a également le droit de s’en servir pour s’instruire dans une science utile à l’humanité.

En ouvrant la grenouille empoisonnée, je vis que son cœur continuait à battre. Son sang rougissait à l’air et présentait ses propriétés physiologiques normales. Je me servis ensuite de l’électricité comme de l’excitant le plus convenable pour réveiller et provoquer la réaction physiologique des élémens nerveux et musculaires. En agissant directement sur les muscles, l’excitant électrique produisait des contractions violentes dans toutes les parties du corps ; mais en agissant sur les nerfs eux-mêmes il n’y avait plus aucune réaction. Les nerfs, c’est-à-dire les tubes nerveux qui les composent, étaient donc complètement morts, tandis que les autres élémens organiques des muscles, du sang, des muqueuses, etc., étaient très vivans et conservaient encore leurs propriétés physiologiques pendant un grand nombre d’heures, ainsi que cela se voit surtout chez les animaux à sang froid.

Il est maintenant facile de comprendre que l’extinction vitale des élémens nerveux qui font contracter les muscles doive amener la mort de l’organisme tout entier par la cessation successive de tous