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saurait, sans un profond dégoût, passer le dimanche soir devant la porte des auberges, remplies de buveurs et de chanteurs obscènes.

Si l’agriculture du pays de Born et du Marensin est encore dans la période rudimentaire, l’industrie est nulle pour ainsi dire, et même le peu qui en existe tend journellement à disparaître. Il y a plus de cinq cents ans déjà, un seigneur des landes avait eu l’idée d’exploiter le minerai de fer qui se trouve en plusieurs endroits mélangé aux couches d’alios, car un titre du XIVe siècle fait mention de l’usine de Ponteux. En 1764, un grand établissement de forges fut construit à Uza, non loin de l’étang de Saint-Julien. Depuis cette époque, une quinzaine d’autres forges et hauts-fourneaux ont été fondés dans le département des Landes. Toutes ces usines ont pu vivre et prospérer jusqu’à ces dernières années, grâce à l’abondance du combustible végétal, au bas prix de la main-d’œuvre ; mais la guerre d’Amérique et la mise en valeur des landes ont eu pour conséquence indirecte d’augmenter de près du double la valeur du charbon de bois et le salaire des ouvriers ; puis les traités de commerce conclus avec l’Angleterre et la Suède ont permis aux fabricans étrangers d’engager la lutte avec ceux des landes sur tous les marchés de la Gascogne, et d’offrir les mêmes articles à 10 pour 100 de rabais. Les usiniers landais peuvent encore résister à la concurrence, parce qu’ils connaissent mieux que leurs rivaux les habitudes locales et savent se conformer à la toute-puissante routine ; mais, sentant la clientèle leur échapper graduellement, ils sont obligés de restreindre l’importance de leurs affaires. Ce qui contribue à leur infériorité dans la lutte soutenue contre les industriels d’autres pays, c’est que leur minerai de fer est de qualité médiocre et ne peut servir qu’à la production de la fonte grossière. Pour la production de leur fer forgé, qui du reste est excellent, ils sont obligés de faire venir la matière première d’Espagne et du département de la Dordogne[1].

Sans industrie, sans autre commerce que celui des simples denrées du pays, les habitans des landes sont ainsi forcément ramenés vers l’exploitation du sol, soit par la sylviculture, soit par une agriculture rudimentaire. Depuis quelques années, ils s’occupent sérieusement d’agrandir leur domaine agricole par la conquête des terres d’alluvion et des sables que recouvrent de leurs eaux les étangs de Soustons, de Léon, de Saint-Julien et les grands lacs du pays de Born. Du reste, cette entreprise a pour but la simple récupération d’un territoire qui jadis appartenait au continent presque en entier. Les riverains de l’étang de Saint-Julien signalent encore

  1. On évalue à 1,200 tonnes seulement la quantité de fonte fabriquée annuellement dans les usines des landes.