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sous l’eau les endroits où se trouvaient les chantiers d’exploitation d’une forêt disparue. D’anciens titres parlent aussi des grands bois qu’a remplacés, il y a trois siècles environ, l’étang de Léon. Si l’on en croit le témoignage des résiniers du voisinage, on verrait encore vers le milieu de cette nappe lacustre une pierre qui marquait autrefois le camin romieu des pèlerins de Saint-Jacques, et que recouvrent aujourd’hui les eaux transparentes. C’est en grande partie l’imprévoyance de l’homme qui est la cause de cet envahissement graduel des étangs sur le sol des landes, car si l’habitant des villages du littoral n’avait pas coupé les arbres qui retenaient les sables, les dunes n’auraient pas marché à la conquête du territoire en refoulant les eaux devant elles. Toutefois c’est aussi à l’allongement graduel des canaux de dégorgement qu’il faut attribuer pour une forte part l’exhaussement séculaire du niveau des étangs.

Les mouvemens de la mer elle-même expliquent l’allongement de chaque déversoir d’étang. En effet, un courant maritime se meut parallèlement à la côte des landes dans la direction du nord au sud, ainsi qu’il est facile de s’en convaincre en voyant les épaves qui vont à la dérive sur les vagues et les embarcations naufragées dont l’arrière est uniformément tourné vers le midi. Ce courant pousse devant lui des masses de sable qu’il mêle aux brisans et rejette sur la plage. Les pointes sablonneuses, sans cesse alimentées par l’apport des flots, s’allongent ainsi dans la direction du sud, et finiraient toutes par atteindre la base des promontoires pyrénéens, si elles n’étaient çà et là interrompues dans leur marche par de petits estuaires marins et des embouchures de rivières. Lorsque la mer est bordée d’un cordon littoral que les vagues surmontent pour aller se déverser au-delà dans une étroite lagune parallèle au rivage, le déversoir de cette lagune est toujours dirigé vers le sud. De même les courans sortis des étangs de l’intérieur ne se jettent point directement à la mer ; mais quand ils sont abandonnés à eux-mêmes, ils se détournent du côté du sud, et, séparés des vagues par une simple levée de sable qui grandit incessamment, vont déboucher à plusieurs kilomètres en aval de l’endroit où pour la première fois ils se sont mêlés à la mer. S’allongeant peu à peu, les déversoirs des étangs exhaussent le fond de leur lit en amont, afin de maintenir la régularité de leur pente ; le niveau de leurs eaux s’élève ainsi par degrés en même temps que celui de l’étang qui les alimente.

Puisque l’allongement des canaux de sortie fait monter les eaux dans les réservoirs lacustres des landes, il suffit de rectifier le cours des affluens et de les amener directement à la mer, pour en abaisser aussitôt le lit en amont de l’embouchure et pour diminuer d’autant la profondeur du lac lui-même. C’est là ce qu’on a fait avec le