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dans le canal de ceinture, et maintiennent ainsi les terres basses de la propriété dans un état parfait d’assainissement. La section du lit de décharge a été augmentée, et tandis qu’autrefois il pouvait donner passage seulement à 4 mètres cubes d’eau par seconde, il est assez large maintenant pour en débiter jusqu’à 35 mètres dans le même espace de temps. M. Rérolle a le premier compris que le dessèchement aurait pour résultat de faire baisser d’une manière considérable le niveau du sol, et c’est en prévision de ce fait qu’il a renoncé aux erremens de ses prédécesseurs pour adopter le système de l’épuisement direct au moyen de turbines. Un nouvel approfondissement du lit de décharge aurait diminué dans une très forte proportion la pente des eaux vers la mer, tandis que par le système actuel on a pu accroître la chute totale du courant et conquérir ainsi une force hydraulique considérable. Les terres de l’ancien étang ne sont pas seulement desséchées à la surface, elles sont également assainies dans leur profondeur ; aussi le niveau du sol tourbeux a-t-il baissé de 40 centimètres dans l’espace de quatre mois.

On n’a pas encore tiré parti de ce beau domaine par une culture sérieuse. Quelques métayers de passage, appelés dans le pays faisandiers[1], exploitent au hasard, pour ainsi dire, les parties de la propriété qui leur paraissent fertiles ; mais le loyer qu’ils paient est très inférieur à l’intérêt annuel des frais de premier établissement[2]. Rien ne serait plus facile pourtant que de transformer l’ancien fond lacustre en terres agricoles d’une grande fécondité, car les amendemens nécessaires à la fertilisation du sol s’étendent en couches inépuisables sur les rives mêmes du canal de ceinture. Les collines à la base desquelles les eaux de l’étang d’Orx avaient été jadis poussées par la chaîne envahissante des dunes occidentales, sont en grande partie composées de marne excellente et d’une exploitation facile ; cette argile calcaire est l’amendement le plus convenable pour les tourbes qui constituent le fond du marais. Grâce aux canaux qui entourent le domaine et qui le coupent en divers sens, on aurait pu sans peine transporter les marnes sur toutes les berges de la propriété. Ainsi que le proposait M. Rérolle, on aurait même pu répandre directement la pierre sur le sol des champs en introduisant successivement l’eau du canal de ceinture dans chacune des aires de l’ancien étang, et en y faisant pénétrer des bateaux-porteurs chargés de marne. Ces projets n’ont pas été mis à exécution, et le territoire agricole reconquis ne produit encore que d’insignifiantes récoltes de maïs et de pommes de terre ; mais

  1. En espagnol hacienderos, en portugais fazendeiros.
  2. Les travaux de dessèchement ont coûté depuis 1843 environ 1,200 francs par hectare.