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les améliorations viendront certainement tôt ou tard. C’est déjà beaucoup que le sol soit prêt à les recevoir. D’autres résultats, plus importans encore, ont été obtenus par le dessèchement de l’étang d’Orx. Les communes voisines, autrefois séparées les unes des autres par d’infranchissables marais, sont maintenant rattachées au reste du monde par d’excellentes voies de communication ; l’air s’est en même temps assaini, la vie moyenne des habitans s’est considérablement accrue. La civilisation a fait son entrée dans ce district reculé des landes, et les fièvres paludéennes ont disparu.


III

Le dessèchement des étangs, l’assainissement du sol, la transformation des landes rases en forêts, la mise en culture des bas-fonds arrosés, tel est l’idéal agricole, en partie réalisé, qu’ont jusqu’à nos jours poursuivi les propriétaires landais. Toutes ces améliorations ont certainement une grande importance économique ; mais voici qu’un ingénieur dédaigneux des anciennes routines expose un projet dont les résultats seraient incomparablement supérieurs à tous ceux qu’espèrent atteindre les agronomes, même les plus confians dans l’art de fertiliser la terre et d’en accroître les produits. Cet ingénieur, M. Duponchel, ne propose rien moins que de broyer des coteaux stériles, de les réduire en terres d’alluvion d’un titre déterminé et de les étendre en une couche d’épaisseur uniforme sur tout l’espace des landes, de la pointe de Grave à la bouche de l’Adour, Changer le territoire le moins fertile de la France en une plaine aussi riche que la Limagne et l’Alsace, tel est, dans toute sa simplicité grandiose, le but que se propose l’ingénieur et qu’il se charge d’atteindre. Si magnifique est ce projet qu’à première vue il doit sembler une utopie ; mais s’est-il rien fait de grand sur la terre qui tout d’abord n’ait été déclaré absurde et impossible ?

Frappé du rôle que les torrens et les fleuves remplissent dans la mise en production des campagnes par le transport des alluvions, l’auteur du projet s’est demandé si l’homme ne pourrait pas imiter systématiquement la nature et diriger par la science cette œuvre de fertilisation qui s’accomplit maintenant au hasard. À l’exception du sol végétal que forment les laves et quelques autres roches en se délitant sous l’influence des intempéries, toutes les terres d’une grande fertilité ont été portées dans les campagnes et réparties par les eaux courantes molécule à molécule. Ce sont des roches diverses arrachées au flanc des monts, puis broyées les unes contre les autres dans le lit des torrens, qui deviennent, après un parcours plus ou moins long, ces excellens limons nourriciers des vallées fluviales