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ESSAIS
DE
MORALE ET DE LITTERATURE

IV.
DE LA NATURE DU GENIE DU TASSE.

Le Prince Vitale, essai sur la folie du Tasse, par M. Victor Cherbuliez ; 1 vol. in-18, Paris, Michel Lévy, 1864.

Nos lecteurs se rappellent certainement les belles pages que M. Cherbuliez a consacrées ici même au génie et surtout à la folie du Tasse. Nous voudrions profiter de l’occasion qu’il nous offre pour dire quelques mots sur cet illustre et malheureux poète, et en vérité nous tremblons avant de nous acquitter de cette tâche, que nous nous sommes cependant gratuitement imposée. C’est un sujet qui nous attire et qui nous fait peur en même temps, car, s’il est toujours difficile de bien parler d’un grand poète, il est doublement difficile de bien parler du Tasse. Son génie est un des plus attrayans pour le dilettante et un des plus embarrassans pour le critique qu’il y ait dans toute l’histoire littéraire. Rien n’est plus aisé que de le sentir et de l’aimer, rien n’est plus malaisé que de l’expliquer et de le juger. Comment définir ce génie tout fait de nuances, de délicates couleurs, de morbidesses et de musique ? Comment fixer cette âme mobile et gentille qui n’offre aucune de ces qualités saillantes par lesquelles on peut saisir les autres grands talens poétiques ? Comment exprimer cette originalité chatoyante et fuyante qui se dérobe sous l’œil qu’elle charme comme pour défier de trouver