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Cependant les aspirations vers la vie monastique se répandaient hors de Rome, surtout dans le nord de l’Italie. L’exemple de Marcella était suivi en plusieurs lieux avec moins d’apparat, mais d’une façon plus complète. Les biographies des solitaires orientaux circulaient maintenant par milliers en Occident, et enflammaient les jeunes imaginations. Les îlots de l’Adriatique et de la mer de Toscane, les vallées sauvages de l’Apennin et des Alpes, eurent leurs apparitions d’anachorètes vêtus comme les solitaires d’Égypte, apparitions passagères pour la plupart. La Gaule aussi vit se produire quelques vocations, en petit nombre : saint Martin n’était pas encore venu. À Rome même, et à côté de cet essai de couvens féminins sous le marbre et l’or, quelques hommes étalèrent sur eux des vêtemens de moine et se dirent cénobites ; mais c’étaient des gens grossiers, fainéans, avides d’argent, livrés à l’intempérance, et qui inspirèrent plus de dégoût que de tentation pour l’habit qu’ils usurpaient. Malgré ces échecs partiels, la propagande des idées de réforme marchait, et on s’habituait à voir dans les doctrines de renoncement et d’austérité qui faisaient le fond de l’institution monastique le souffle qui raviverait la société chrétienne, à commencer par le clergé. Cette préoccupation des esprits d’élite les reportait naturellement vers la Palestine et l’Égypte, terres de la vraie inspiration chrétienne, à ce qu’on croyait, et patrie des grands monastères. Le goût des voyages à Jérusalem se réveilla donc avec force sous l’empire des sentimens nouveaux, qui faisaient de l’Orent le but de tant d’admirations et de désirs.

Ces visites au berceau du christianisme et au siège de ses redoutables mystères n’avaient jamais cessé en Orient depuis la fondation des premières églises : les lois cruelles d’Adrien, après la seconde dispersion des Juifs et la transformation de Jérusalem en une ville païenne, Aelia Capitolina, ne les avaient même pas interrompues ; mais en Occident elles avaient toujours été rares, lorsque la conversion de Constantin en fit naître le goût et en facilita les moyens. On alla sur les traces de sainte Hélène par mode, par curiosité, par ferveur de christianisme. On voulut contempler les monumens que la mère d’un empereur romain élevait, sur la terre même de la rédemption, au culte d’un Dieu si longtemps proscrit par l’empire. Il se forma donc, des contrées d’occident à Jérusalem, un courant continu de voyageurs étrangers ou pèlerins, peregrini, durant la première moitié du IVe siècle. Ceux qui partaient d’Italie prenaient ordinairement la voie de mer pour gagner soit Antioche de Syrie, d’où ils remontaient vers la Palestine, soit directement Joppé, aujourd’hui Jaffa. La voie de terre était préférée par les pèlerins d’Espagne, de Gaule, de Bretagne ; ils gagnaient Constantinople par la