Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/314

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sa thèse devant ces remparts de Rendsbourg, d’où le général Hake, le soldat de la confédération germanique, a été expulsé par le prince de Prusse ?…

La brusque proposition d’un congrès inacceptable au moment où l’Angleterre préparait un accommodement déplaisant, l’inquiétude inspirée ensuite à la confédération germanique dans ses velléités belliqueuses, telles furent les deux et très réelles preuves de bonne volonté que le cabinet de Saint-Pétersbourg donna à celui des Tuileries pendant la guerre d’Italie. En somme, et jusqu’à la paix de Villafranca, la France a retiré des profits véritables de ses relations amicales avec la Russie : grâce à ces relations, elle a pu passer les Alpes sans la crainte d’une guerre générale, elle a pu réaliser sa pensée favorite de l’union des principautés danubiennes, et ce dernier essai a éveillé dans plus d’un esprit l’idée d’un accord possible, désirable même, entre ces deux empires pour le règlement général de la question d’Orient. Il y a eu alors, il y a encore aujourd’hui beaucoup d’amis de ces populations chrétiennes de la Turquie qui, en face de la politique d’immobilité prêchée et pratiquée par l’Angleterre en cette question d’une manière si constante et souvent si coupable, ne verraient pas avec trop de déplaisir l’influence moscovite s’y accroître, et l’y salueraient même avec transport. Qu’on y prenne garde cependant ! Les humanitaires de notre temps qui, par désir de réformer le Turc, accepteraient volontiers la coopération de la Russie, nous rappellent parfois ces philosophes du XVIIIe siècle qui, par enthousiasme pour la tolérance, applaudissaient aux entreprises de Catherine II sur la Pologne. L’idée française, juste au fond et généreuse, de constituer lentement les libres autonomies des divers peuples chrétiens de la Turquie, la Russie l’accepte en toute assurance, car elle sait bien que de la manière dont ce système peut être réalisé à l’heure qu’il est, il ne fait qu’affaiblir de plus en plus le « malade, » sans cependant rendre les petits états qu’on détache successivement de l’empire ottoman assez vivaces, assez forts par eux-mêmes, pour qu’ils puissent un jour opposer une résistance sérieuse à son ambition séculaire. L’expérience en cours d’exécution en ce moment avec ces mêmes principautés danubiennes, le triste spectacle que nous y voyons, tout cela n’est-il pas fait pour décourager quelque peu, et prétendrait-on encore aujourd’hui, ainsi qu’on l’a pensé et proclamé en 1859, que par l’union de la Moldavie et de la Valachie on ait précisément élevé « une barrière infranchissable contée les empiétemens possibles de la Russie ? » Combien autre eût été le résultat, si cette œuvre se fût accomplie de concert avec l’Autriche et l’Angleterre, si cette dernière puissance y était entrée avec ses capitaux, son esprit d’entreprise et sa volonté