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d’un principe aussi simple qu’absolu : tout pour la flotte, — c’est-à-dire faire tout converger vers le bon et prompt armement du plus grand nombre de vaisseaux possible. Le faste des arsenaux ne lui imposait pas. Ce n’était point aux monumens des ports qu’il jugeait la force d’une marine : il la reconnaissait à la puissance productive des chantiers, à la richesse des approvisionnemens, et surtout à la forte constitution du personnel. Il rêvait une armée de mer permanente, se rapprochant beaucoup sous ce rapport des idées qui ont prévalu en Russie. Je ne sais s’il avait bien mesuré toute l’étendue de son vaste programme ; mais il est certain que, s’il eût vécu de nos jours, son ambition eût reçu des modernes découvertes que nul en 1840 ne pouvait encore soupçonner un encouragement inattendu et comme une impulsion nouvelle. Sa flotte, quel que fût le nombre des bâtimens dont il l’eût composée, eût été organisée dans son ensemble. C’est lui qui se déclara si énergiquement l’ennemi de la poussière navale : il appelait ainsi, non pas tous les bâtimens qui ne pouvaient pas figurer en ligne, mais tous ceux, grands ou petits, qui n’avaient aucune valeur militaire. Quand la constituante, en 1790, voulut se rendre compte de ce que c’était qu’une marine, les uns lui affirmèrent que c’était une administration, d’autres soutinrent que ce ne pouvait être qu’une armée. Pour l’amiral Lalande, la marine n’était pas seulement une armée, c’était, dans la plus étroite acception du mot, une escadre.


E. JURIEN DE LA GRAVIERE.