Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/414

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

documens sur les collections formées par Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, Jean, duc de Berri, Louis, duc d’Orléans ; qu’on y joigne les livres cités par le chevalier de La Tour-Landri, par Christine de Pisan, par l’auteur du Ménagier de Paris, on verra renaître toute cette vieille poésie française qui fut quelque temps celle de l’Europe, et que les productions de nos trois derniers siècles, non pas plus originales, mais d’une plus grande étendue d’esprit et de savoir, d’un goût plus pur, d’un langage qui est resté le nôtre, avaient fait condamner à l’oubli. »

Ceci est le commencement des bibliothèques publiques et laïques. Sous le régime qui précéda, les bibliothèques étaient ecclésiastiques, et appartenaient aux couvens et aux chapitres. Elles étaient fort nombreuses et contenaient beaucoup de livres. Tout ce qui compose dans les bibliothèques d’aujourd’hui les fonds latins vient de là, et certainement n’en représente qu’une partie ; mais à mesure que l’institution se relâcha, les livres furent négligés, on les laissait se pourrir, se détériorer, se détruire ; on coupait les marges des manuscrits pour en faire des brevets, des amulettes ; on raclait les feuilles de vélin pour écrire de petits psautiers qu’on vendait aux enfans. Les incendies ont anéanti beaucoup de bibliothèques, et de malheureux hasards ont intercepté des livres précieux : un des précepteurs de Pétrarque, le vieux Convennole, perdit le traité de Cicéron sur la gloire en le mettant en gage chez un usurier, et cette perte n’a pas été réparée. C’est ainsi que nous sommes loin de posséder tout ce qu’a possédé le moyen âge.

Dans le XIVe siècle, l’université de Paris, qu’un si grand nombre d’autres, en Frauce et hors de France, ont proclamée leur mère, fut plus puissante qu’à aucune autre époque de notre histoire. Jamais elle n’exerça un tel pouvoir sur les esprits. Tantôt consultée par les rois, tantôt leur apportant d’elle-même ses avis, elle acceptait ou se donnait la mission périlleuse de diriger l’opinion. C’est un signe des temps, qu’une simple compagnie de maîtres et de disciples, pendant plus de cinquante ans de ce siècle, délibère avec les rois, dirige les conciles, fournit des négociateurs aux papes et aux princes, et envoie d’elle-même des ambassadeurs chez les nations étrangères. On trouvera un juste souvenir de ce grand rôle dans ces paroles qui ne messiéent pas au doyen de la Faculté des lettres, à l’un des héritiers de ces anciens maîtres : « Quel que fût l’inconvénient et même le péril de transformer en école près de la moitié d’une grande cité, les témoignages abondent pour nous redire combien était puissant l’attrait de ce vaste noviciat, où la raison humaine s’épuisait en efforts qui peut-être donnaient peu, mais qui promettaient beaucoup. Toute la montagne latine était pour les