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sont fondés par eux. Ces testamens nous intéressent aussi par les catalogues qu’on y trouve souvent des livres légués par les testateurs et qui nous font connaître, avec leur goût pour les lettres, le genre d’études qu’ils avaient préféré. Un ami de Pétrarque, le cardinal Philippe de Cabassole, dans son testament du 27 août 1372, dote la ville épiscopale de Cavaillon d’une vraie bibliothèque publique, établie près du chapitre. Un des types remarquables de ces grandes existences qui conciliaient la dignité d’un prince de l’église avec l’amour et la protection des lettres, avec le luxe et les plaisirs de l’opulence, avec les intrigues et le tumulte des affaires, est Talleyrand de Périgord, qui, après de sérieuses études, surtout en jurisprudence, et la mort de sa femme, fille du comte de Vendôme, fut successivement abbé de Chancelade, évêque d’Auxerre, cardinal du titre de Saint-Pierre-aux-Liens, qui, dans ses plus grands honneurs, réserva toujours quelques heures aux libres distractions de l’esprit, et qui, touché du gracieux génie de Pétrarque, l’aurait fait nommer par le pape, si le poète avait voulu, secrétaire de ses brefs apostoliques ; aussi le poète reconnaissant disait-il de son patron qu’il y avait plus de gloire à faire des papes qu’à l’être soi-même. Voilà pour les lettres. Pour le reste, nous savons la part que ce cardinal prit dans les négociations avant et après le désastre de Poitiers, le soupçon qui pesa sur lui d’avoir été complice, avec son neveu Charles de Duras, du meurtre d’André, roi de Naples, imputé à la reine Jeanne, enfin cette réponse légère, mais non sans vraisemblance, à ceux qui lui reprochaient de combattre dans le conclave l’élection de Jean Birel, l’austère prieur des chartreux : « Avec un tel pape, il nous faudrait, le jour même, envoyer nos beaux palefrois à la charrue. »

Durant ce siècle, les évêques furent tous occupés par d’opiniâtres querelles contre les ordres mendians, qui voulaient s’emparer de la confession, de la prédication, des funérailles et des principaux droits du clergé séculier, et peu s’en fallut qu’ils ne fussent vaincus. Des témoignages certains de la splendeur toute féodale que plusieurs prélats avaient fait succéder à la simplicité des premiers siècles nous ont été conservés par leurs testamens ; ils y rivalisent de somptuosité et de raffinement avec les seigneurs temporels, avec les princes, avec les rois, et plusieurs, comme les cardinaux, songent à honorer leur mémoire en fondant des collèges et en les choisissant souvent pour héritiers de leurs belles collections de livres.

À la suite des évêques, dans la hiérarchie séculière, viennent les archidiacres, les doyens, les prévôts, les chanoines des églises, en un mot tous ces prêtres, tous ces membres du clergé qui dépendent de l’ordinaire. De grands services furent rendus aux lettres par ces corps permanens, qui aimèrent presque toujours les livres, ne dédaignèrent