Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/428

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dans les sciences, et eurent un moment si brillant qu’il put paraître douteux si ce serait aux gens de l’Orient ou à ceux de l’Occident qu’il appartiendrait d’être les instituteurs de l’âge intermédiaire et de créer les élémens de la civilisation moderne ; mais la religion s’inquiéta des libertés de l’esprit philosophique et scientifique. Usant de la compression avec une sévérité toute dominicaine, elle triompha, éteignit la libre pensée, ne laissa aux esprits d’autre aliment que les subtilités métaphysiques du dogme, et finalement livra les populations musulmanes à cette misère intellectuelle, mère de toutes les autres misères, et dont ces populations ont, même avec le secours de l’Europe, tant de peine à se tirer.

Dans l’Occident chrétien, au sein de la religion la plus haute qui eût encore paru dans le monde, la morale théologique avait abouti à un code qui substituait des devoirs fictifs aux devoirs réels, et qui ne soutenait ces fictions que par d’inexorables cruautés. Placée par sa nature même au-dessus de la morale humaine, il n’y avait ni correction ni amendement qui pussent lui venir de ses propres principes.

Il fallait donc de nouveaux principes, et, pour qu’ils prissent autorité, il fallait que l’ancien ordre de choses s’ébranlât et entrât en décadence : de là le brisement du régime catholico-féodal et l’œuvre du XIVe siècle. C’est là que l’Occident latin montra qu’il avait conservé une puissante vitalité, et vraiment reçu des mains de Rome la gestion des destinées humaines. À ce moment critique, le moyen âge eut la force de rompre la tutelle, jadis salutaire, présentement funeste, sous laquelle il avait vécu, et cela sans anarchie décisive et sans faute capitale, car c’est alors que son esprit prend une nouvelle activité, de l’agrandissement et des lumières. Ces redoutables perturbations qui l’agitent n’ont pourtant pas le pouvoir de le jeter hors de l’orbite de la civilisation. Et, pour revenir au point plus étroit d’où je suis parti, on commence, dans le désarroi de la morale théologique, à jeter les fondemens d’une morale humaine sur lesquels s’élève de nos jours l’édifice entier de l’état sortant des liens ecclésiastiques et devenant de plus en plus laïque.


VI. — CONCLUSION.

Le discours de M. Le Clerc et celui de M. Renan sur l’état des lettres et des arts en France pendant le XIVe siècle font le vingt-quatrième volume d’une collection qui contient l’histoire des livres et des écrivains depuis l’origine des choses françaises. Leur ouvrage est une suite, et ils n’ont eu aucun besoin de revenir sur le passé pour mettre le lecteur sur le terrain et au point de vue. Il en a été autrement pour l’auteur de cette étude. Il a fallu, pour indiquer