Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/454

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Devant le spectacle d’activité que nous venons décrire, comment ne pas se reporter vers le passé d’une exploitation près de trente fois séculaire ? Si nous avons nommé les Étrusques comme ayant été les premiers à fouiller les mines de Rio, ce n’est pas sur la foi de la fable que raconte Tite-Live, de devins tyrrhéniens mandés par Ancus Marcius pour découvrir des mines à l’île d’Elbe, mais bien plutôt par suite de considérations géographiques et d’inductions historiques qu’il serait difficile de ne point admettre.

L’île d’Elbe en effet est si favorablement située, si rapprochée du continent, dont elle n’est séparée que par un bras de mer de peu d’étendue, le climat y est si doux, si salubre, le sol si fertile, qu’elle a dû être de bonne heure peuplée. Il est certain que les Étrusques de Populonia y envoyèrent une colonie dès les premiers temps de leur arrivée en Toscane. Les mines de fer de Rio frappèrent sans nul doute les premiers colons : l’aspect insolite de ces terres rougeâtres, leur poids, le volume considérable qu’elles occupaient sur le terrain, toutes ces particularités réunies durent donner à des hommes qui connaissaient déjà l’art de fondre le cuivre l’idée de jeter également dans le fourneau le minerai de l’île d’Elbe[1]. Celui qu’on trouve à Rio est très fusible, très riche en fer ; l’essai dut réussir, et dès lors la sidérurgie était créée. Populonia entretint des relations suivies avec sa voisine. Pour les Étrusques, ce peuple de marchands et de navigateurs venu de l’Asie, quelque peu cousin des Phéniciens, le trajet de dix à douze milles, faible distance qui sépare Rio de Piombino, ne devait offrir aucune difficulté. Une voie d’échanges était d’ailleurs trouvée entre la colonie et la métropole : l’île donnait le métal, le continent envoyait des vivres. Dans l’île, la métallurgie allait grand train, et partout où une vallée existe, partout où apparaît une source, un faible cours d’eau, il y avait un fourneau à fer. Ces bas foyers, dont le type est encore en usage dans l’ancienne Ligurie, en Corse, en Catalogne, étaient soufflés à bras, ou plus simplement par la trompe au moyen de l’eau, peut-être même par ces courans d’air naturels qui règnent toujours le long des vallées. Le combustible était fourni par les montagnes voisines, et la loupe de fer ou d’acier spongieux, en sortant du foyer, était étirée sous le marteau. D’après l’examen des divers tas de scories, résidus de la fusion, que j’ai reconnus à l’île d’Elbe, non-seulement

  1. Aristote dit quelque part que les Étrusques avaient fondu le cuivre à l’Ile d’Elbe avant le fer, dont les dépôts étaient recouverts par ceux du premier métal. Il est plus probable que ce furent les gîtes cuivreux que j’ai signalés à Pomonte et à Santa-Lucia qu’exploitèrent les Étrusques (en même temps que ceux voisins de Populonia sur le continent), bien qu’aujourd’hui encore on ait trouvé à Calamita du minerai de cuivre au milieu du fer. Dans tous les cas, l’âge de bronze aurait ainsi précédé celui de fer, même à l’île d’Elbe, et la mythologie et l’histoire se trouveraient une fois de plus d’accord.