Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/455

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sur les cinq districts ferrifères, mais jusque dans les golfes de Campo, de Procchio (car il paraît qu’on s’éloignait quelquefois des mines pour se rapprocher de l’eau et du combustible), le travail m’a semblé avoir été conduit par les Étrusques d’une façon plus que rudimentaire. Les scories sont lourdes, compactes, mal fondues, très riches en fer, et ces premiers forgerons du monde n’ont certainement pas retiré, plus de 15 à 20 pour 100 de métal des minerais qu’ils ont traités. Les deux tiers au moins du fer étaient ainsi perdus. Sur quelques points cependant, l’aspect des scories est meilleur, et témoigne d’un certain progrès. À cette époque (c’était de six à huit siècles au moins avant notre ère), l’île d’Elbe se présentait de loin la nuit, avec tous ces feux allumés, comme un immense phare aux yeux du navigateur. Aussi les Grecs, qui fréquentaient alors ces parages, allant coloniser le midi de la Gaule, la Corse, la Sardaigne, les côtes de la Ligurie, avaient-ils donné à l’île le nom caractéristique d’Æthalia, sous lequel les anciens l’ont citée, c’est-à-dire l’île qui brûle, l’île des feux.

Quand l’Étrurie fut soumise par Rome, conquête qui s’acheva vers le IIIe siècle avant notre ère, l’île d’Elbe subit également le joug du vainqueur. Les Romains, les plus grands administrateurs qui aient jamais existé, se gardèrent bien d’arrêter l’exploitation des mines de fer ; mais ils transportèrent suivie continent, au bord de la mer, non loin de Populonia et aux lieux où sont aujourd’hui les forges de Follonica, les officines métallurgiques, peut-être parce que le combustible manquait alors dans l’île. Sur ces nouveaux points, pendant plus de sept siècles, on a fondu d’une manière continue. Les scories qu’on y rencontre sont de très bonne apparence : la sidérurgie, aux mains des maîtres du monde, avait fait de rapides progrès. C’est de Populonia, nous dit Tite-Live, que Scipion l’Africain tira tout le fer dont il avait besoin pour son expédition contre Carthage. Plus tard Strabon, qui décrit si bien les localités qu’il a traversées, a visité lui-même ces forges. Enfin, quatre siècles après Strabon, l’an de Jésus-Christ 417, Rutilius Numatianus, l’ancien préfet de Rome, qui se rendait dans les Gaules, sa patrie, en côtoyant ces rivages qu’il a pittoresquement décrits dans son Itinéraire, trouva encore ces fours allumés. Rutilius compare en passant les gisemens inépuisables de l’île à ceux de la Sardaigne, du Berri, et à ceux de la Norique, aujourd’hui la Carinthie et la Styrie, tous lieux encore célèbres, comme l’île d’Elbe, par leurs mines de fer et d’acier.

Au commencement du vie siècle, Populonia, déjà détruite en partie sous Sylla, est entièrement ruinée par les Barbares, et il est probable que les forges disparaissent avec elle. À cette époque, quand on voulait du cuivre, on le tirait d’une statue ; quand on avait besoin de fer,