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qu’il a été découvert ou du moins analysé pour la première fois en 1806, par le commissaire du gouvernement français, Lelièvre, qui lui donna le nom d’iénite en l’honneur de la bataille d’Iéna. Les minéralogistes allemands ont refusé de reconnaître cette dénomination, qui consacrait une double victoire pour les Français, politique et scientifique. C’était assez d’une, et ils préférèrent appeler le minéral liévrite, du nom de son inventeur. Espérons que le mot d’ilvaïte, plus heureux que les deux autres, puisqu’il est dérivé du nom même d’Ilva, aura tranché toute difficulté et apaisé les susceptibilités nationales des savans germaniques.

Dans les gîtes de Rio, de Vigneria et de Terra-Nera, on trouve, disséminée au milieu du minerai, de la pyrite à la couleur jaune dorée, à l’éclat métallique, souvent en très gros cristaux. C’est un magnifique échantillon pour ceux qui collectionnent, mais c’est en revanche l’ennemi juré des fondeurs, car la pyrite, mêlée au minerai, introduit du soufre dans la fonte, ce qui rend le métal cassant. Aussi a-t-on soin de rejeter tous les échantillons qui en renferment, on isole même, par exemple à Terra-Nera, les parties du gîte trop pyriteuses. Dans certaines argiles qui accompagnent le minerai, la pyrite existe aussi, mais à l’état microscopique. Ces argiles foisonnent, fermentent à l’air : le sulfure de fer se décompose, et des traînées de soufre, d’une belle couleur jaune citron, se détachent du jour au lendemain sur le fond gris ou blanc des argiles. Il se forme aussi du sulfate de fer ou vitriol vert, autrefois exploité non moins que les bols ou terres colorantes provenant du minerai décomposé, et qui sont également répandus dans les argiles. Avec les beaux échantillons de pyrite cristallisée et les remarquables, géodes d’oligiste, brillant souvent de toutes les couleurs de l’iris, les mineurs remplissent de petites boîtes munies de casiers, et les vendent aux visiteurs. Il n’est pas de collection un peu complète qui n’ait quelques-uns de ces magnifiques spécimens de Rio.


IV

La surface horizontale occupée par les gîtes de l’île d’Elbe peut être estimée à 250 hectares. Sur ce chiffre, il faut compter environ 80 hectares pour Rio et son annexe Vigneria. Il n’existe peut-être aucune autre mine métallique de cette importance, et le fameux filon d’argent, la Veta-Madre du Mexique, l’immense dyke de quartz aurifère qui traverse en longueur la Californie, n’égalent pas en volume la concentration ferrugineuse de l’Elbe. De plus, le dépôt est ici aggloméré sur un espace relativement très restreint, et l’on comprend de quel intérêt est un pareil fait pour l’exploitation, la mise en valeur du gîte.