Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/462

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Est-ce à dire qu’on tire aujourd’hui à l’île d’Elbe le meilleur parti possible de l’extraction et de la vente d’un minerai reconnu inépuisable ? Non sans doute, et sous le gouvernement de Victor-Emmanuel comme sous l’ancien grand-duc Léopold, tous les perfectionnemens restent encore à réaliser. L’exploitation du minerai s’opère toujours d’une manière fort primitive. Il n’y a pas de chemins de fer pour les transports économiques, rapides et par grandes masses, pas de grues pour la manœuvre des matières lourdes et pour la descente du minerai à fond de cale. Dans toutes les opérations où la mécanique est en jeu, on s’adresse à l’homme et aux bêtes, c’est-à-dire à la force la plus élémentaire, la plus coûteuse. En certains points, on n’a pas même profité de la disposition des lieux pour l’installation de plans automoteurs destinés à la libre descente du minerai dans des wagons, système aujourd’hui en usage dans toutes les mines. Il n’y a pas de ports non plus, il n’y a que de simples rades foraines : au lieu d’une jetée en pierre, on ne trouve à Rio qu’un pont chancelant établi sur des pilotis, là même où jadis étaient ceux des anciens. L’idée d’un changement quelconque dans ces habitudes, l’adoption de nouvelles mesures effrayaient le grand-duc Léopold. « Et que ferai-je de tous mes ânes ? » objecta-t-il un jour qu’on lui proposait d’établir à Rio un plan incliné par lequel le minerai devait descendre tout seul.

Le temps n’est plus cependant où l’extraction ne dépassait pas 12 ou 15,000 tonnes par an. Déjà, durant les dernières années du gouvernement de Léopold, elle arrivait à 25,000, puis à 50,000 tonnes. La moyenne des dix années de 1851 à 1861 a même été de 56,000. Ce nombre est maintenant presque doublé, car, dans le dernier exercice, celui du 1er juillet 1863 au 30 juin 1864, le chiffre de la production s’était élevé à 100,000 tonnes. Malheureusement, avec les moyens limités dont on dispose pour le transport et le chargement, on ne peut désormais aller plus loin. Le jour où l’exploitation sera conduite d’après les règles de l’art, il n’y aura d’autres limites à la production que celle indiquée par le chiffre de la demande, comme disent les économistes. Or, avec le bas prix auquel atteindra encore le minerai par suite des perfectionnemens alors adoptés dans l’exploitation, avec la création d’usines nouvelles que provoquera très certainement dans le bassin méditerranéen l’impulsion féconde donnée aux mines de l’Elbe, le chiffre de la demande arrivera en très peu de temps à un million de tonnes chaque année. Le bénéfice net réalisé sera au moins de 6 à 8 millions de francs. Aucune mine, aucune entreprise minérale, sauf des cas exceptionnels, ne donne de tels bénéfices ; aucun gîte n’offre de tels élémens de production, sauf quelques mines de houille. Les fameux gisemens de guano des îles Chincha, qui ont plus d’un trait de ressemblance