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avec les gîtes de fer de l’île d’Elbe, notamment pour la position insulaire littorale, pour l’accumulation de la matière utile, ne livraient pas, quand j’y suis passé en 1860, une des années les plus prospères de la production, plus de 300,000 tonnes par an. Il est vrai que le bénéfice résultant de l’extraction est énorme, et que le Pérou a tiré jusqu’ici de ces riches dépôts d’engrais fossile ses seuls moyens d’existence comme nation politique ; mais on peut prévoir l’extinction complète de ces gîtes avant une centaine d’années. À l’île d’Elbe au contraire, comme aussi dans la plupart des mines de houille, le calcul indique à l’épuisement des limites si éloignées qu’il faudrait par exemple deux mille ans, avec un million de tonnes par an, pour épuiser les cinq gîtes réunis.

De l’état d’infériorité technique où le royaume d’Italie, suivant les erremens des anciens grands-ducs, laisse les mines de l’île d’Elbe, ne ressort-il pas un enseignement ? C’est qu’en bonne économie industrielle il ne faut pas qu’un état soit exploitant de mines. Ici on a même dépassé la mesure, et l’état est encore fondeur avec aussi peu d’intelligence du métier. Depuis Cosme le Grand se perpétue en Etrurie une situation des plus regrettables : les hauts-fourneaux de Follonica, Valpiana et Cecina ne marchent que pendant six mois. Or, sans parler de tous les inconvéniens du chômage, même momentané, d’usines aussi importantes, on sait ce que coûte la mise en feu de ces géans de nos foyers métallurgiques, les hauts-fourneaux. En France, en Angleterre, en Belgique, ils fournissent des campagnes continues et marchent sans jamais s’arrêter jusqu’à cinq et six ans.

Il faut que le gouvernement italien y réfléchisse. S’il veut continuer lui-même le travail de ces mines, il doit sortir de l’impasse où il est engagé. Une mine est un capital enfoui sous terre ; moins on en tire de minerai et moins le capital fructifie. On doit atteindre au plus vite le maximum de production. Les Anglais l’ont bien compris alors que, poussant aux dernières limites l’extraction de leurs houillères, ils ont porté à travers le monde, tributaire aujourd’hui de leurs mines, jusqu’à 70 millions de tonnes de charbon chaque année, et trouvé ainsi un aliment quotidien pour leur formidable marine.

Ce qui paraît s’opposer, dans l’île d’Elbe, à la mise en œuvre des perfectionnemens désirés, c’est non-seulement l’indifférence du gouvernement italien à l’égard de ces mines, qui lui rapportent pourtant dans l’état actuel plus de 600,000 fr. de bénéfices nets chaque année, mais encore l’aliénation que le grand-duc Léopold II en a faite entre les mains d’une compagnie de Livourne présidée par le banquier Bastogi. On était en 1851. Il fallait payer les Autrichiens, qui avaient prêté le secours de leurs baïonnettes et de leurs canons,