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de fournir à ces ateliers le fer et l’acier dont ils auront besoin. Et si ces hauts-fourneaux ne s’édifient pas à la Spezzia, éloignée des lieux de production du combustible végétal et des mines de fer, qu’on les érige au moins à Piombino, vis-à-vis de l’île d’Elbe. L’air y est bon, le combustible à proximité, houille sèche ou charbon de bois. La houille collante, les cokes de France ou d’Angleterre, peuvent y venir par mer à peu de frais. Il paraît qu’une compagnie industrielle, surtout composée d’Italiens, va entreprendre sur ce point la fabrication en grand de l’acier par ce procédé merveilleux qui a tant étonné les sidérurgistes, le procédé de l’Anglais Bessemer. Le minerai de l’île d’Elbe convient à cette opération, car les praticiens. s’accordent, pour employer leur langage technique, à lui prêter des propensions aciéreuses. Il importe donc d’introduire à l’île d’Elbe les perfectionnemens trop longtemps différés. Avant quelques années, l’acier aura presque remplace le fer, car il a plus de dureté, plus d’élasticité, et offre plus de résistance. On va bientôt en faire des chaudières à vapeur, des rails, des cloches, des arbres de machines, des essieux de locomotives et de wagons. Il est devenu indispensable au revêtement des vaisseaux, des frégates, à la fonte des canons rayés et des projectiles de guerre. Les outils de mine et d’agriculture, une foule d’engins mécaniques, se font aussi de plus en plus avec ce métal, qui coûte de moins en moins cher à mesure que les procédés de fabrication s’améliorent.

Le fer et l’acier ont donc un immense avenir industriel : les méthodes nouvelles adoptées dans la fabrication de ces métaux, notamment en Angleterre, où l’on voit des hauts-fourneaux produire seuls jusqu’à 90 tonnes de fonte par jour, ne provoquent-elles pas les méditations de l’ingénieur, de l’économiste et de l’homme d’état ? Bien que la France et la Grande-Bretagne marchent à la tête de la sidérurgie moderne, il reste encore des rangs honorables à conquérir[1]. L’Italie peut à son tour, en construisant de vastes usines centrales et en donnant aux mines de l’île d’Elbe tous les développemens qu’elles comportent, occuper sa place dans le monde métallurgique. De pareilles entreprises fourniront d’ailleurs un aliment à sa marine ; elle-même y trouvera un moyen économique de compléter le réseau de ses voies ferrées et sa flotte à vapeur ; en fondant. dans ses propres usines l’acier, nerf de la guerre moderne, elle-préparera sa défense nationale. Qu’elle ne l’oublie pas, et entre au plus vite dans cette voie féconde que la géographie et la géologie de son sol semblent lui avoir préparée.


L. SIMONIN.

  1. Les progrès que le travail du fer a faits en France, en Angleterre, en Russie, en Prusse et en Autriche, marquent presque le rang que ces diverses puissances occupent dans la politique de l’Europe.