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Old Pam is a gone coon[1], mot à mot : — « le vieux Pam est un raton fini. » Interprétez cela, vous qui vous occupez des grandes difficultés où se débat l’Europe ! .. Mais non, vous jetez votre langue aux chiens. Voici donc la même nouvelle traduite en style du Thunderer[2] (ou du Times) : « l’opinion publique a décidément abandonné lord Palmerston, — la direction des affaires publiques va passer en d’autres mains, etc. » Et si vous voulez savoir qui pourrait remplacer le vieux Pam, un membre de l’opposition actuelle vous proposera « le vieux Dizzy. » Or c’est l’ancien chancelier de l’échiquier, M. Disraeli en personne, dont il entend annoncer ainsi la rentrée aux affaires.

Un refuge paisible, loin de la vie mondaine, contre les dépravations du langage contemporain, les universités ne vous le fourniront point, on croit devoir vous en prévenir. Nulle part le slang ne pousse plus vigoureusement que parmi les étudians d’Oxford ou de Cambridge, qui, même une fois sortis de l’université et entrés dans les ordres, ne parleront pas toujours à leurs ouailles un anglais irréprochable. La chaire a son slang comme le théâtre, et ici nous ne songeons pas à ces mille désignations de sectes qui servent à se démêler dans le labyrinthe des différences dogmatiques (evangelical, tractarian, recordite, etc.), mais à des expressions bizarres ou à des termes usuels pris dans une acception technique et spéciale qui les métamorphosé de la façon la plus absolue. N’est-on pas surpris et presque scandalisé d’entendre dire que le révérend A est « la bassinoire » (warming pan) du docteur B, parce qu’il occupe provisoirement un bénéfice dont ce dernier ne peut encore être investie Tel prédicateur est plus « avoué » (owned) que tel autre, parce qu’il fait plus d’effet. Il compte plus « de sceaux » (more seals), c’est-à-dire plus de conversions. Une personne est « obscure » (dark)[3], un livre est obscur, une ville même est obscure, si telle forme de croyance n’est point pratiquée par cet individu,

  1. Coon, abréviation de racoon, raton, animal que les savans ont étiqueté, sous le nom de procyon, dans la division des petits ours ou subursi. On pourra chercher dans le glossaire qui nous sert de texte l’anecdote historique à laquelle on doit l’expression de gone coon.
  2. Un de ces surnoms si communs dans la presse anglaise. — Le Tizer est le Morning Advertiser, qu’on a aussi surnommé Rap-tub et Gin and Gospel gazette. Jeames, nom presque générique des flunkeys, c’est-à-dire de la livrée, est acquis au Morning Post, l’oracle de « Belgravia, » c’est-à-dire de l’aristocratie et du monde officiel. Le Morning Herald et le Standard, réunis dans les mains du même propriétaire et se faisant valoir à qui mieux mieux par des courtoisies quotidiennes, avaient été baptisés « mistress Harris et mistress Gamp, » par allusion à deux personnages des romans de Dickens.
  3. Dans l’idiome spécial des courses, un « cheval obscur » (dark horse) est un cheval dont le mérite est douteux, dont les chances sont inconnues.