Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Puisque l’acide carbonique est nécessairement engendré par la vie animale, il doit faire partie intégrante de notre atmosphère. Les chimistes en effet l’y retrouvent, mais dans la minime proportion de quatre ou cinq litres sur dix mille. C’est un gaz qui ne peut plus entretenir la vie ni la combustion, puisqu’il en est au contraire la conséquence. Aussi tous les animaux qu’on enfermé sous des cloches remplies d’air épuisent rapidement l’oxygène, qu’ils remplacent par de l’acide carbonique, et ils s’éteignent bientôt non par un effet toxique de ce gaz, mais faute d’aliment respiratoire.

Après avoir rappelé ces notions, je vais décrire une expérience célèbre que les végétaux exécutent eux-mêmes discrètement au milieu de nous sans que nous en ayons connaissance, qui s’accomplit sur une immense échelle, et que l’on peut à bon droit considérer comme étant un des phénomènes les plus essentiels du monde, expérience si simple d’ailleurs que chacun peut et voudra la répéter. Pour réussir, il faut prendre une tige feuillée saine et fraîche de ces plantes aquatiques qui vivent immergées dans les étangs ou les rivières ; on l’introduit dans une carafe de verre blanc qu’on achève de remplir avec de l’eau de source, ou mieux avec de l’eau de Seltz coupée, qui contient, comme on le sait, une grande proportion d’acide carbonique dissous. Ayant bouché cette carafe pleine, on la retourne pour en introduire le col dans un pot plein d’eau. On peut alors retirer le bouchon, l’eau se maintient soulevée et continue de remplir la carafe retournée. L’appareil étant ainsi préparé, on le transporte dans un lieu découvert où il puisse recevoir les rayons du soleil.

Aussitôt que la lumière frappe directement les feuilles de la plante immergée, on les voit se couvrir d’une multitude de bulles qui grossissent rapidement, se réunissent et s’élèvent au sommet du vase, où elles s’accumulent. Toutes les fois qu’on intercepte la lumière par un écran opaque, ce dégagement s’arrête, et l’on peut à volonté, même à distance, en couvrant alternativement l’appareil d’ombre ou de lumière, arrêter ou reproduire le courant. Au bout de quelques heures d’une action continue, la carafe est remplie de ce gaz, Il ressemble à l’air, mais il n’en a pas les propriétés, car si, retournant l’instrument, on introduit tout à coup dans l’intérieur une petite bougie grêle qu’on vient d’éteindre et qui conserve encore à l’extrémité de sa mèche quelques points rouges, elle se rallume à l’instant et continue de brûler avec un éclat inaccoutumé. Ce gaz n’était point de l’air, c’est de l’oxygène. Sous cette forme et avec ces plantes aquatiques, l’expérience est saisissante, parce qu’elle est rapide et qu’on assiste à la naissance de l’oxygène. On peut la reproduire avec des végétaux aériens, et, pour ne point altérer leurs conditions habituelles, on les expose au soleil sous des cloches de verre qu’on remplit avec de l’acide carbonique. Après une journée, ce gaz a disparu et se trouve remplacé par de l’oxygène presque pur. Quelle que soit la plante, quel que soit le procédé expérimental, l’action reste toujours identique, et l’explication de ce fait