Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/497

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Mais la terre est bien vieille, et il n’est pas impossible que son atmosphère ait éprouvé depuis la création des changemens progressifs, devenus très considérables par la longue addition des siècles écoulés. C’est là une question très curieuse, qui a été traitée par M. Adolphe Brongniart, et que nous allons étudier avec lui. La terre recèle des masses énormes et pour ainsi dire inépuisables de charbon sous forme de houille, d’anthracite, de lignite et de tourbe, et l’on ne peut douter un seul instant que ces dépôts ne soient les dépouilles fossiles accumulées de végétaux innombrables. Or il n’y a pour une plante qu’une seule manière d’acquérir du charbon, c’est de le prendre à l’acide carbonique de l’air, et par suite, toutes ces masses de houille qui couvrent la Belgique, l’Angleterre,.une grande partie de l’Amérique, et qu’on retrouve en tous les points du globe, étaient autrefois répandues à l’état gazeux dans l’atmosphère ; elles y étaient combinées avec l’oxygène, et le globe à son origine était enveloppé d’une couche aériforme qui contenait de l’azote, beaucoup d’acide carbonique, peu ou point d’oxygène. Si l’on ajoute qu’à ce moment la terre était incandescente, on comprend que tout le charbon qu’elle contenait ait dû se brûler en effet à cette température au contact de l’oxygène.

Ainsi constituée, la terre s’est refroidie ; mais la composition de son atmosphère la rendait inhabitable aux animaux, puisqu’ils avaient besoin d’oxygène, et qu’il n’y en avait point, puisqu’ils se noyaient dans l’acide carbonique et l’azote, qui dominaient à ce moment. Aussi les premières couches des terrains de sédiment ne contiennent aucun animal. En revanche, la terre était aussi favorablement préparée à porter des plantes qu’elle l’était mal à nourrir des animaux ; alors elle s’est bientôt couverte des forêts luxuriantes dont les débris, en s’accumulant, ont composé la houille. On y retrouve toutes les espèces qui vivaient alors. C’étaient des prêles gigantesques, des fougères arborescentes comparables à nos chênes, et des cycadées qui dépassaient en hauteur tout ce que le règne végétal nous offre aujourd’hui de plus splendide. Et pendant que ces immenses dépôts se constituaient, l’oxygène, perpétuellement dégagé par l’action du soleil, enrichissait peu à peu l’atmosphère et préparait la naissance du règne animal. Bientôt on en vit les premières créations, qui ont varié d’âge en âge. À l’époque où les houilles se formaient, les forêts étaient peuplées de grands reptiles, animaux à sang froid à qui peu d’oxygène suffisait ; mais ce n’est qu’après la disparition à peu près totale de l’acide carbonique que la terre a vu apparaître les mammifères, dont la venue attendait une atmosphère plus riche.

Il y a des ignorans peureux qui demandent avec bonne foi ce que deviendront la terre et eux-mêmes quand l’homme aura brûlé toutes les houillères. Ce que nous deviendrons, bonnes gens, je vais vous le dire : la houille sera redevenue de l’acide carbonique, l’oxygène aura disparu, et les grands végétaux reviendront ; mais s’il est vrai, comme on essaie de