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nous le faire croire, que les espèces animales, se perfectionnant peu à peu, se soient élevées des formes primitives jusqu’à l’homme, le retour des élémens à leur point de départ devrait ramener l’homme à son origine par une dégénérescence inverse. Avoir eu des crocodiles parmi nos ancêtres, soit ; mais voir en perspective une postérité composée d’ichthyosaures, c’est la plus désespérante des métempsycoses !

Revenons aux choses sérieuses. Si nous ignorons le mécanisme des organes vivans, au moins connaissons-nous les fonctions qu’ils remplissent et pouvons-nous exprimer clairement le rôle qu’ils jouent dans le monde physique. Avec de l’eau et des matières azotées qu’ils prennent au sol, avec un gaz qu’ils recueillent dans l’air, les végétaux composent de la matière organique, qu’ils accumulent dans leurs tissus et qu’ils tiennent en réserve pour l’usage des animaux. Le règne végétal semble n’être qu’un grand laboratoire, qu’un atelier de production où toute plante a la même fonction, celle de constituer des matières aussi variées dans leur composition que le sont les formes de chacune d’elles. À ce caractère commun il faut en ajouter un autre, c’est que, recevant comme matières premières de l’acide carbonique et de l’eau, substances brûlées, les plantée savent en expulser l’oxygène et en extraire le charbon et l’hydrogène, auxquels elles restituent la propriété de pouvoir être de nouveau brûlés. Ces actions chimiques ont lieu dans leurs organes ; mais elles n’en sont que le siège : la cause est en dehors d’elles, elle vient du soleil.

L’animal a reçu une mission diamétralement opposée. Il ne crée pas, il détruit : au lieu de solidifier les gaz et les liquides, il les sépare et les rend à l’atmosphère ; enfin, loin de ramener les corps à l’état combustible, il les brûle. L’herbivore tire toute sa nourriture des plantes ; il en transforme une partie en eau et en acide carbonique, il accumule le reste dans ses propres organes. Le carnassier profite de ces réserves et achève de rendre à l’atmosphère ce que les végétaux en avaient extrait, ce que les herbivores en avaient conservé, et quelle que soit la classe à laquelle il appartienne, tout animal rejette par les voies naturelles une abondante provision de matière azotée qu’il répand sur le sol. C’est précisément cette matière que les végétaux reprennent, sans laquelle ils ne peuvent vivre, qu’ils savent élaborer, transformer, accumuler, et qu’ils rendent aux animaux après lui avoir restitué les qualités nutritives qu’elle avait perdues. Ainsi se ferme ce cercle admirable de transformations opposées et de services mutuels où nous voyons l’animal et le végétal échanger éternellement la même matière, celui-ci qui la recueille gazeuse, la désoxyde et la solidifie, celui-là qui la reçoit combustible et qui la disperse de nouveau après l’avoir brûlée. Priestley voyait dans les plantes des serviteurs prédestinés dont le devoir est de purifier l’air ; elles ont une autre fonction bien plus immédiate et nous rendent un service bien autrement prochain, celui d’extraire et de préparer nos alimens. Leur action sur l’air ne serait sensible qu’après